Arte, mercredi 21 novembre à 20 h 55, film

Stefan Zweig était connu, lu et révéré dans le monde entier. Il s’intéressait à la musique (il fut l’un des librettistes de Richard Strauss), à la psychanalyse (il était proche de Sigmund Freud) ; polyglotte et excellent francophone, il entretint une forte relation avec Romain Rolland et a consacré de nombreux essais à des écrivains et à des personnages historiques français.

Zweig veut rester « au-dessus de la mêlée », le titre d’un manifeste de 1914 de son ami Romain Rolland qu’il aimait à citer (Payot, 2013) : juif (mais davantage viennois), il reste dans sa maison de Salzbourg, continuant de publier des livres dont le fameux Erasme. Grandeur et décadence d’une idée de 1934 (Poche, 1996), dans lequel l’identification de Zweig à Erasme, et d’Hitler à Luther, est limpide. Sa maison perquisitionnée, l’écrivain s’exile à Londres en 1934.

Courage, ou non ?

Beaucoup, dont son ami Klaus Mann, lui reprocheront que son pacifisme puisse s’apparenter à du « passifisme », si l’on ose ce jeu de mots. Zweig aura une passionnante relation épistolaire avec le fils de Thomas Mann(Stefan Zweig, Klaus Mann, correspondance 1925-1941, Phébus, 2014) :Zweig veut comprendre et exercer seulement une « pensée positive » ; Mann veut agir, voyant avec une sidérante prescience les prémices de l’abîme.

Après Londres, Zweig et sa seconde épouse gagnent New York puis l’Amérique du Sud, où ils s’installent à Petropolis, au Brésil. Ils y mettront fin à leurs jours le 22 février 1942. Avant d’avaler du véronal, Zweig laissera un mot : « Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l’aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux. »

Klaus Mann écrira, dans une nécrologie publiée par un mensuel américain :

« Certains reprochent en secret au maître d’avoir manqué de courage. D’autres, au ­contraire, pensent qu’il a fait preuve de courage : et pour cela ils l’admirent. Qu’ils sont plats et présomptueux, nos jugements face à la réalité foudroyante de la mort ! »

Le film Stefan Zweig, adieu l’Europe, de Maria Schrader, que diffuse Arte, avait fait l’objet d’une critique dans Le Monde le 9 août 2016 : « On ne saurait reprocher au film (…) d’abuser du pathétique de la situation. Au contraire, il procède par tableaux elliptiques, nous montrant un homme affligé, incapable de répondre de manière intellectuellement satisfaisante à la barbarie qui s’abat sur le monde. Ce qui manque en revanche n’en est pas moins l’essentiel : que la figure devienne personnage, que le cadre échappe au chromo de la reconstitution. »

Lire la critique du service cinéma du « Monde » : Les derniers jours d’un condamné à mort

On est cependant saisi par les dernières images du film, qui ne montrent pas frontalement les corps de l’écrivain et de sa femme côte à côte sur leur lit, alors qu’une photographie largement connue a fixé cette scène terrible. On ne les aperçoit que par bribes visuelles, par le truchement du renvoi de l’image par le miroir d’une armoire à glace.

La diffusion de Stefan Zweig, adieu l’Europe n’est malheureusement pas accompagnée d’un documentaire ou d’un film adapté d’un texte de Zweig (ils ne sont pas rares). Mais ce film donnera sûrement au spectateur l’envie d’en savoir plus sur cette figure éminente de la littérature européenne de l’entre-deux-guerres.

Stefan Zweig, adieu l’Europe, film de Maria Schrader, avec Josef Hader, Barbara Sukowa, Aenne Schwarz (All., 2016, 1 h 40). www.arte.tv