L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Beshay, un petit homme ­défiguré écumant les décharges publiques, décide de quitter la léproserie où il fut abandonné enfant, pour retrouver sa famille dans le sud de l’Egypte. Aux rênes d’une charrette tirée par un âne, il tombe sur un orphelin nubien, surnommé « Obama », qu’il embarque avec lui. Cet équipage insolite rencontre sur sa route des figures hétéroclites et enchaîne une série de péripéties qui composent un voyage initiatique vers l’acceptation de soi.

Lire la critique (parue lors du Festival de Cannes) : Le long voyage du lépreux et de l’orphelin

Ce premier long-métrage d’Abu Bakr Shawky, présenté en compétition au Festival de Cannes, se fonde sur un geste fort : confier les rênes du récit à un acteur non professionnel, Rady Gamal, qui porte sur lui les stigmates de la ­lèpre. Ce corps pas comme les autres, puissante empreinte d’altérité au cœur de l’image, est malheureusement neutralisé par un storytelling intempestif, qui ne cesse de faciliter son appréhension au spectateur, d’amortir le regard qu’on pourrait poser sur lui.

Le film convoque et célèbre la condition des parias tout en la pliant aux standards de représentation les plus communs et éculés

Toutes les recettes d’écriture y passent – la constitution d’un duo contrasté et complémentaire, le motif de la quête d’identité, le recours au pittoresque, la trame picaresque semée de rencontres idoines – pour piéger l’apparition hors norme de Beshay dans les rets d’un discours donneur de leçons. Discours qui se résout de la plus discutable des manières, par le retour de chacun au sein de sa communauté puisque nos deux héros sont voués à retourner dans leur ordre inaugural, celui où les marginaux et les gens normaux vivent chacun de leur côté.

Yomeddine convoque et célèbre la condition des parias tout en la pliant aux standards de représentation les plus communs et éculés. Sa mise en scène est à l’avenant : un cocktail de caméra à l’épaule et de relances musicales feel good (« faites pour se sentir bien ») correspondant aux codes impersonnels du cinéma d’auteur mondialisé. Inoffensif, le film n’en demeure pas moins agréable à suivre, notamment grâce à un humour qui lui sauve la mise. Lors d’une scène marquante, où Beshay, acculé, hurle son humanité au visage des autres, surgissent des accents d’Elephant Man, de David Lynch, grand film sur la monstruosité face auquel son ­épigone égyptien fait toutefois pâle figure.

Bande-annonce YOMEDDINE
Durée : 01:46

Film égyptien, autrichien et américain d’Abu Bakr Shawky. Avec Rady Gamal, Ahmed Abdelhafiz (1 h 37). Sur le Web : www.le-pacte.com/france/prochainement/detail/yomeddine