Si la mobilisation des « gilets jaunes » est en nette décrue sur le terrain, l’état d’alerte des forces de l’ordre reste très élevé partout en France. Les manifestants étaient ainsi au nombre de 15 000 à travers la France, mercredi 21 novembre, le chiffre le plus bas depuis le début du mouvement, samedi. Ce qui n’empêche pas le bilan sécuritaire de s’alourdir chaque jour. Le ministère de l’intérieur fait ainsi état de deux morts, 585 blessés, dont 16 gravement touchés. Les policiers, les gendarmes et les pompiers ont également été durement affectés, avec 115 blessés, dont trois graves.

Au-delà des chiffres, les autorités constatent une évolution sur le terrain, avec un changement de physionomie entre ceux qui ont manifesté samedi et ceux qui poursuivent les blocages. Il y aurait notamment une recrudescence de personnes au profil complotiste ou habituées à des discours politiques radicaux parmi les organisateurs de l’opération « Paris ville morte », à venir samedi.

Défi logistique

Les premières remontées du terrain ne laissent pas présager une mobilisation exceptionnelle dans la capitale, mais les autorités craignent que l’ambiance soit moins « bon enfant », pour reprendre l’élément de langage répété à l’envi le week-end dernier. « On en a un peu trop fait pour décrire une manifestation sympathique samedi, du coup on se retrouve à durcir le ton maintenant », concède une source policière.

En réalité, les policiers ont eu à gérer quelques débordements en faisant usage de la force dès les premières heures du mouvement. Au fur et à mesure, la situation s’est particulièrement tendue en certains points, comme aux alentours de Calais et autour de Bordeaux, où plusieurs blocages d’axes routiers ont donné lieu à des actions violentes et à une intervention musclée des forces de l’ordre.

La différence majeure avec un mouvement social traditionnel, comme celui du 1er-Mai, réside cependant dans l’absence d’envie d’en découdre directement avec les forces de l’ordre. « Nous avons eu pas mal d’opérations de déblocage de péage ou de site pétrolier qui n’ont pas donné lieu à des affrontements ou à un exercice majeur de la force, explique une source policière. Notre arrivée ou notre présence résolvent généralement le sujet : ils se dispersent ou s’écartent. »

Le défi est surtout logistique, face à des actions brèves, très éparpillées et des objectifs qui évoluent rapidement. Un modus operandi qui met à l’épreuve la capacité d’adaptation des forces de l’ordre. Les CRS et les escadrons de gendarmerie mobile, habitués à se « projeter » sur le territoire, sont particulièrement mis à contribution depuis samedi.

Lourdes sanctions

Les autorités craignent que d’autres groupes, plus habitués à en découdre avec la police, ne profitent des points de crispation pour se mêler aux manifestants. C’est le cas à Douai, où une intervention à proximité d’une cité de la ville a dégénéré en « émeute urbaine » avec des jeunes gens issus du quartier, selon une source policière. Plusieurs notes du renseignement territorial, qui ont fuité dans Le Canard enchaîné et Le Parisien, ont également fait état du risque de récupération du mouvement par des groupuscules d’extrême gauche ou d’extrême droite.

La justice tourne à plein régime depuis samedi, avec de lourdes sanctions qui sont tombées, des deux côtés des barrages. Un homme qui avait foncé à contresens sur un rond-point pour échapper à un blocage en frôlant des manifestants a ainsi été condamné à six mois de prison ferme pour mise en danger de la vie d’autrui.

Plusieurs « gilets jaunes » ont écopé de peines de prison de quelques mois, pour des violences envers les forces de l’ordre principalement. En tout, 745 interpellations et 599 gardes à vue étaient recensées mercredi soir. Plus d’une centaine de personnes ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel, alors que 59 prévenus ont été présentés en comparution immédiate, dont 22 pour le seul département de La Réunion.

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