Nous sommes en 2102, et le monde a été ravagé par les bombes nucléaires quelques décennies plus tôt. Un petit groupe de survivants, jusqu’ici caché dans un abri atomique, doit désormais rebâtir la Virginie-Occidentale, ou tout du moins ce qu’il en reste. Ils consignent le récit de leurs explorations dans des journaux informatiques. Nos journalistes ont survécu à Fallout 76, sorti le 14 novembre sur PC, PlayStation 4 et Xbox One. Voici leur récit.

Fallout 76 – Official Trailer
Durée : 02:54

  • Jour 1 : le réveil

Il y a des matins où se lever est plus dur que d’autres. Un lendemain de soirée trop arrosée par exemple. Ou quand votre monde entier a disparu dans la nuit. C’est ce qui est arrivé ce matin de l’année 2102. Après vingt-cinq ans de colocation forcée, tous les habitants de l’abri antiatomique numéro 76 ont pris la tangente. Ne reste plus que moi, héros de Fallout 76, errant désormais seul au milieu des cotillons, des bouteilles vides et des ballons de baudruche se balançant tristement au bout de leur ficelle.

L’Abri 76, déserté de ses habitants.

A mon tour, je vais devoir faire le grand saut. Mettre le nez dehors, explorer ce qu’il reste de cette Virginie-Occidentale après les bombes, et découvrir – c’est ma mission – où est partie la superviseuse de l’abri.

Mais avant ça, il me faut commencer à compter mes forces et mes faiblesses. A chaque niveau, je gagne un « point », à distribuer entre sept caractéristiques au choix : force, perception, endurance, charisme, intelligence, agilité et chance. Chaque point me permet d’équiper autant de « cartes », conférant des avantages divers et variés : porter davantage de munitions, conserver les aliments plus longtemps avant qu’ils ne pourrissent…

C’est inutilement complexe, mais il faut y voir un reliquat superflu et un peu ridicule de l’époque (il y a vingt ans) où les Fallout étaient encore des jeux de rôle.

Je pioche une carte un peu au pif. L’aventure peut commencer.

Le principal intérêt de « Fallout 76 » tient dans ses longues promenades. / Bethesda

  • Jour 2 : la découverte

A la sortie de l’abri, je retrouve Jean-Eudes. Il a commencé le jeu un peu avant moi et partage avec moi des outils de soin, un peu de nourriture. Nous décidons de monter une petite équipe, et de nous mettre en route pour Flatwoods, une petite ville au sud de notre position, vers laquelle est apparemment partie la superviseuse.

Première surprise : la Virginie-Occidentale de Fallout 76 est recouverte de forêts, de verdure, de marécages. Mais si la flore se porte bien, la faune, elle, traîne la patte. Pire, les survivants de l’apocalypse nucléaire, calcinés, décérébrés, errent désormais tels des zombies au milieu des décombres de ce qui fut la civilisation. Le studio Bethesda, créateur du jeu, avait prévenu : à l’exception des autres joueurs, il n’y a aucun humain dans Fallout 76. Juste quelques robots pour commercer ou nous aiguiller vers le prochain objectif.

La grande découverte de cette première journée, c’est que Flatwoods est bien plus loin que prévu. Déjà parce que la carte du monde est très vaste. Mais surtout parce que Fallout 76, davantage qu’un jeu de rôle, est un appel à flâner. Partout sur le bord de la route, au creux des vallées, derrière des collines, se tapissent bâtiments abandonnés et zones pavillonnaires en ruines. Chacun est une invitation à se détourner de son chemin. On fouille à la recherche d’une nouvelle arme, de quelques munitions, ou pour tenter de comprendre ce qui a pu arriver aux occupants.

On se perd, on oublie qu’on joue, pour se contenter de randonner. Charmant même, pour peu que l’on préfère l’hiver nucléaire aux promenades printanières.

Le bestiaire est un mélange d’animaux mutants et de monstres folkloriques américains. / Bethesda

  • Jour 3 : les combats

Nous sommes désormais sur la trace du wendigo, un mélange de monstre folklorique amérindien et de mutant filiforme. Comme je suis un grand peureux, Jean-Eudes a accepté de m’accompagner dans une cave aussi mal fréquentée qu’elle est éclairée.

Les ennuis commencent avec l’apparition d’un crabe géant qui nous force à utiliser la plupart de nos ressources et fait tomber Jean-Eudes une première fois. A court d’objets de soins, nous décidons de prendre des drogues, nous donnant des bonus temporaires, et de puiser dans nos ressources de nourriture : beaucoup de steaks de taupes irradiées et un peu d’eau.

Un peu plus loin, notre cible apparaît. Le wendigo est là. Il nous saute dessus. Très vite, il est rejoint par un deuxième crabe géant. Par miracle, nous parvenons à venir à bout des monstres, et nous achevons le wendigo en le frappant avec un ski aiguisé.

Nous avons néanmoins un avantage de taille : les supermutants et goules qui représentent la majeure partie des ennemis rencontrés ne brillent pas par leur intelligence et restent souvent immobiles pendant qu’on leur tire dessus. Sans les rares rencontres avec des mollusques gigantesques et des dragons, mi-amusantes, mi-terrifiantes, tout cela serait presque trop facile.

Ce jeu multijoueur est finalement une expérience très solitaire. / Bethesda

  • Jour 4 : les autres survivants

La difficulté ne viendra pas non plus des autres joueurs. Car, et c’est la grande nouveauté de ce Fallout 76 : il est possible d’y jouer à plusieurs. Ainsi, alors qu’installés à un camp, Jean-Eudes et moi cuisinons des rations de viande avant de repartir en exploration, deux autres survivants nous rejoignent.

Ils sont là pour se ressourcer et fabriquer des armes. Ils ne pipent mot mais je tente de saluer l’un d’eux. Appuyant sur le mauvais bouton, je lui mets un coup de poing par erreur. Malgré mes excuses, il préfère me tirer dessus avec un fusil à pompe. Une rare exception : sauf malentendu, les survivants croisés dans les Appalaches sont rarement agressifs. Ils nous saluent poliment, tuent quelques monstres avec nous et s’en vont, parfois sans un mot.

Pour nous forcer à socialiser, les développeurs ont pensé à organiser des « événements », des défis particulièrement corsés qui se déclenchent dès que l’on arrive dans un nouveau lieu et vers lesquels les joueurs sont censés converger pour mieux s’entraider. Mais comme la plupart des autres joueurs, semble-t-il, nous décidons de faire à chaque fois l’impasse sur ces quêtes systématiquement longues, laborieuses et ingrates.

L’interface et les bogues de « Fallout 76 », aussi lourds qu’une superarmure. / Bethesda

  • Jour 5 : les bogues

Nous prenions cela à la rigolade, au départ, mais il faut désormais en convenir : si le studio Bethesda est connu pour ses jeux bogués, mal terminés, Fallout 76 est peut-être le pire de tous. Les ennemis sont incapables de la moindre stratégie, des quêtes ne commencent pas ou sont impossibles à terminer…

Pire, le jeu ne reconnaît pas le clavier azerty ; et s’il est possible de changer l’affectation des touches pour se déplacer, impossible en revanche de régler le problème pour les menus, pour le mode « visée » ou encore dans l’interface de construction de base.

Avec Jean-Eudes, nous renonçons ainsi à construire le campement de nos rêves à proximité d’une splendide cascade, lorsque nous nous apercevons que celle-ci serait intégralement détruite si d’aventure nous avions le malheur de nous connecter à la partie d’un joueur qui aurait décidé de s’installer au même endroit. Une aberration.

Même les partis pris les plus basiques du jeu semblent ne pas avoir été suffisamment testés, comme l’interface, conçue en dépit du bon sens, ou le fait qu’approximativement 20 % du temps de jeu est consacré à gérer son inventaire, à se débarrasser des objets trop lourds, à chercher un item indispensable perdu au fond de son sac.

L’exploration du jeu est tellement réussie qu’elle donne presque envie de pardonner les défauts de « Fallout 76 ». / Bethesda

  • Jour 6 : un monde qui existe sans le joueur

Après six jours de jeu, notre patience est mise à rude épreuve. A nos yeux, toutes les quêtes se ressemblent, désormais. Réparer un dixième radar, activer un centième terminal, abattre un millième supermutant nous paraît désormais au-dessus de nos forces.

Et pourtant. On s’accroche. Parce que l’on sait que ces missions ne sont que des prétextes pour nous envoyer sur les routes de cette Virginie-Occidentale moribonde et néanmoins magnifique. C’est la seule vraie qualité du jeu, capable d’en éclipser les défauts. Certes, la « grande histoire » de Fallout 76, ce jeu de piste avec la superviseuse de l’abri, n’est pas un seul instant captivant, mais le fait que chaque cabane à l’abandon et chaque hôpital désaffecté, ont, eux, une petite histoire à raconter, est en revanche fascinant.

Fallout 76 fait parti de ces jeux qui réalisent ce vieux rêve : celui de faire oublier que le jeu vidéo est une construction artificielle pour mieux mimer la densité de la réalité.

La superviseuse ? On ne la retrouvera jamais. Mais c’est pour la somme des petites histoires, des à-côtés, que Jean-Eudes et moi reviendrons arpenter ses terres désolées une septième journée — et probablement bien d’autres encore après celle-là.

En bref

On a aimé :

  • Un monde dense qui ne donne pas l’impression d’avoir besoin du joueur pour vivre (et mourir).
  • Des environnements variés.
  • Plutôt une bonne ambiance entre les joueurs.

On n’a pas aimé :

  • L’interface.
  • Les bogues.
  • Le système de jeu absolument pas maîtrisé.

C’est plutôt pour vous si…

  • Vous aimez les longues promenades post-apocalyptiques et mélancoliques d’un Stalker, voire d’un Half-Life 2.
  • Vous avez des amis avec qui jouer.

Ce n’est plutôt pas pour vous si…

  • Vous cherchez un bon jeu de rôle.
  • Vous aimez les quêtes bien écrites.
  • Vous aimez les jeux bien terminés.

La note de Pixels

Fallout 38/76.