Trois migrants tentant de traverser la Manche sur leur canot pneumatique et secourus par des sauveteurs, le 4 août 2018. / STR / AFP

« On est sur un phénomène en train d’exploser » : après avoir secouru dix-huit migrants dans la nuit de mercredi 21 à jeudi 22 novembre, la préfecture maritime s’alarme de la hausse des tentatives de traversée de la Manche depuis octobre, un phénomène peut-être lié à la proximité du Brexit.

En 2016, les services de la préfecture maritime avaient recensé vingt-trois tentatives de traversées en embarcation de fortune. En 2017, le chiffre était redescendu à treize. Et « avec les deux opérations de cette nuit, on en est à trente, mais surtout à dix-sept depuis octobre… », explique la capitaine Ingrid Parrot, porte-parole de la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, basée à Cherbourg.

Sur un bateau pneumatique

Cette nuit, son centre des opérations maritimes (COM) a dû gérer deux opérations distinctes. Vers 2 heures, un remorqueur repère un bateau pneumatique long de quatre mètres, au nord-est du cap Gris-Nez (Pas-de-Calais), avec sept migrants. Il l’escorte jusqu’aux côtes anglaises, avec l’aide d’un avion de patrouille maritime, d’un hélicoptère et d’un patrouilleur. Arrivée à cinq kilomètres du littoral, l’embarcation, composée de six hommes et une femme, est interceptée par un patrouilleur de la Border Force, britannique.

Vers 3 heures, c’est un ferry qui a cette fois alerté les autorités, après avoir découvert une autre embarcation faisant route vers l’Angleterre, en détresse, en panne, avec onze migrants à bord. Mais « la communication [avec les personnes à bord] est particulièrement mauvaise et il est impossible de connaître la localisation des migrants », explique la préfecture dans un communiqué de presse.

Un hélicoptère de la marine nationale basée au Touquet arrive à localiser l’embarcation tandis qu’un remorqueur et un patrouilleur se rendent sur la zone. Finalement, les onze migrants montent à bord du patrouilleur. « Quatre parmi eux, en situation d’hypothermie, sont transférés vers l’hôpital de Calais, et les sept autres sont remis aux services de la police aux frontières (PAF) », d’après le communiqué.

Brexit et conditions climatiques

Cette double opération intervient une dizaine de jours après une traversée qualifiée d’« inédite » : dix-sept migrants, dont trois mineurs, avaient traversé la Manche sur un bateau de pêche volé à Boulogne-sur-Mer.

Pour expliquer cette brusque hausse depuis octobre, la préfecture maritime émet deux hypothèses. « Avant qu’il y ait une frontière complètement fermée, on suppose que [les migrants] souhaitent à tout prix partir tant que le Brexit n’est pas effectif », avance la capitaine Parrot. L’autre explication tiendrait aux conditions météorologiques particulièrement clémentes lors de cette arrière-saison.

Face à cette recrudescence des tentatives, « on renforce nos patrouilles » en mer, souligne Mme Parrot. Depuis le début des tentatives en 2016, il n’y a eu a priori aucun décès et aucune disparition en mer, rappelle la préfecture : « On n’a pas eu à déplorer des cadavres non identifiés sur une plage, on veut à tout prix éviter cela. »

La densité du trafic, les courants importants, les hauts-fonds, le vent quasi permanent et la température de l’eau rendent la traversée du détroit du Pas-de-Calais (33 km de distance minimale) très difficile et extrêmement dangereuse. « La crainte la plus forte est une collision en mer avec un gros bateau », prévient Mme Parrot.