Delphine Ernotte,  présidente de France Télévisions, le 23 août 2018. / BERTRAND GUAY / AFP

Une responsable de YouTube a fait les frais, jeudi 22 novembre, du franc-parler de Delphine Ernotte, à l’occasion d’un débat, en présence de la totalité des dirigeants des grandes chaînes françaises, sur « A quoi ressemble la télévision du futur ? » La patronne de France Télévisions écoutait Justine Ryst, la responsable de la plate-forme américaine de vidéo pour l’Europe du Sud, discourir sur la « logique de complémentarité et d’opportunité avec les groupes médias ». Mais lorsque cette dernière a évoqué le « partage de la valeur », elle a quitté le langage diplomatique propre à ce genre de table ronde : « Le partage de revenus qu’on touche de YouTube, c’est rien du tout, c’est du pourboire pour le petit personnel », a-t-elle lancé, en parlant d’une somme de 2 millions d’euros. « On va arrêter de mettre les œuvres intégrales sur YouTube », a indiqué celle qui avait annoncé, en septembre, ne plus vouloir diffuser les séries produites par France Télévisions sur Netflix, le géant américain de la vidéo à la demande.

Présent au côté de Mme Ernotte lors de cette table ronde – un des événements du premier festival Médias en Seine organisé par Les Echos et Franceinfo –, le PDG du groupe TF1, Gilles Pélisson, a regretté que Netflix non seulement ne « partage pas ses données » sur les habitudes de consommation des téléspectateurs mais de surcroît ne participe pas suffisamment « au financement de la création française ».

« Cambriolage »

Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6, a évoqué, lui, « un cambriolage des ressources » : « Cambriolage dans la publicité, car on n’a pas le droit de faire de la publicité adressée alors que sur Internet c’est possible ; cambriolage de notre programmation car nous ne pouvons pas diffuser du cinéma à la télévision certains jours de la semaine. » Alors qu’une nouvelle loi sur l’audiovisuel est prévue en 2019, les chaînes de télévisions réclament aux autorités un allégement des contraintes réglementaires afin d’affronter à armes égales les concurrents américains. Des « concurrents ennemis », a jugé M. Pélisson.

Netflix vient ainsi d’annoncer que la nouvelle saison de la série à succès « Dix pour cent » serait disponible sur son catalogue dès décembre, soit deux semaines seulement après la fin de sa diffusion sur France 2. De quoi irriter de nouveau Mme Ernotte. A terme, la présidente de France Télévisions et les patrons de TFI et M6 veulent privilégier leur projet de plate-forme commune de streaming payant, baptisée « Salto ». Annoncé en juin avec un budget minimum de 50 millions d’euros sans que pour autant aucune date de lancement n’ait été communiquée. De son côté, le président du directoire du groupe Canal+, Maxime Saada, a confirmé une nouvelle offre de vidéo à la demande « très focalisée sur les séries et au coût le plus bas possible » à la fin du premier trimestre 2019 pour faire face à Netflix. « On ne doit pas laisser aux Américains l’entrée de marché à 10 euros », a-t-il expliqué.