Magasin  Dolce & Gabbana, à Pékin, le 22 novembre. / NICOLAS ASFOURI / AFP

Dans une vidéo promotionnelle tournée en 2011 et toujours consultable sur YouTube, Domenico Dolce et Stefano Gabbana, les deux cofondateurs de la marque de luxe, expliquent que, avec le développement d’Internet, les designers doivent « être prudents ». Pour avoir oublié cette bonne résolution, ce n’est plus assis dans les fauteuils d’un palace londonien que les deux créateurs ont tourné leur dernière vidéo, mais dans un décor qui rappelle une salle de tribunal.

Tels deux repentis cherchant à convaincre les juges de leur bonne foi, les deux hommes, vêtus de gris, souhaitent dire « à tous les Chinois de par le monde – et il y en a beaucoup – combien nous sommes désolés ». « Et nous prenons ces excuses et ce message très au sérieux », tient à préciser M. Gabbana.

Publiées vendredi 23 novembre sur Weibo, le principal site de microblogging chinois, puis sur Twitter, Instagram et Facebook, ces excuses parviendront-elles à éteindre l’incendie que des vidéos de Dolce & Gabbana avaient allumé les jours précédents dans l’ex-empire du Milieu ? Rien n’est moins sûr, tant les Chinois semblent avoir pris en grippe la célèbre marque.

Le show de la marque italienne annulé à Shanghaï

Tout a commencé en début de semaine avec la publication sur Instagram de courtes vidéos destinées à promouvoir un défilé Dolce & Gabbana prévu mercredi 21 novembre à Shanghaï. L’une fait rapidement scandale en Chine. On y voit, dans un décor très chinois, une Asiatique, sophistiquée et nunuche, essayant de manger des pâtes et une pizza avec des baguettes, ces « petits bâtons servant de couverts », selon une voix off masculine.

Après une première vague de critiques apparaissent sur Internet des copies d’écran d’une discussion sur Instagram entre Stefano Gabbana et un mystérieux interlocuteur. Le designer utilise notamment des émojis d’excréments pour qualifier la Chine.

Même si l’entreprise de Milan affirme que le compte de M. Gabbana a été piraté, plusieurs vedettes chinoises invitées au défilé annulent leur participation, contraignant la firme à « repousser » l’événement, trois heures avant le lever de rideau. Sur Weibo, le mot-dièse « DG Show Cancelled » (« le show de D&G annulé ») reçoit 490 millions de vues. On ne compte plus les commentaires injurieux ou méprisants des internautes. Un risque majeur pour une société qui possède plus de 50 magasins en Chine et qui, d’après le cabinet américain Bain & Company, réalise dans ce pays 35 % de son chiffre d’affaires.

Si l’émotion est sans doute réelle, les nationalistes n’hésitent pas à l’exploiter. Vendredi soir, le quotidien nationaliste Global Times expliquait sur son site Web que, selon un sondage effectué par son propre institut, plus de 90 % des quelque 9 000 répondants ne jugeaient pas les réactions des internautes chinois « radicales ». A l’en croire, ceux-ci n’ont donc pas été convaincus. D’ailleurs, vendredi soir, les principaux sites de commerce en ligne du pays ne proposaient toujours pas de produits Dolce & Gabbana à la vente.