Une fois encore, les vannes se sont ouvertes quant ont retenti les premières mesures de la Marseillaise. Soutenu par ses partenaires et la terre battue du stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq, Nicolas Mahut a laisser couler ses larmes à l’orée de la finale de Coupe Davis, vendredi. Parfait écho de l’an passé, où le joueur, non-sélectionné pour disputer le double de la finale, avait craqué pendant les hymnes.

Cette année, le vétéran angevin va bien disputer, à 36 ans, sa première finale de cette compétition qui l’obsède depuis son enfance. Samedi 24 novembre, aux côtés de Pierre-Hugues Herbert, Mahut sera chargé « de maintenir en vie », comme l’a résumé Yannick Noah, une équipe de France dos au mur, battue lors des deux simples du vendredi.

« Cette compétition, c’est un rêve de petit garçon, racontait-il au Monde en 2017. J’ai voulu devenir joueur de tennis en regardant la Coupe Davis. » Joueur à l’émotivité exacerbée, Nicolas Mahut a longtemps cru que sa chance de disputer des rencontres sous le maillot bleu ne viendrait jamais. C’est sur le tard, il y a trois ans, qu’il accède à son Graal, et dispute son premier double en Bleu, aux côtés de son ami Julien Benneteau, avec qui il a fait ses classes.

Drap peint en bleu-blanc-rouge

« Je n’ai jamais rêvé de gagner un Grand Chelem en simple, relatait mardi le joueur, fraîchement débarqué du Masters de Londres, où il a disputé la finale du double avec Herbert. Par contre, j’ai toujours rêvé de gagner la Coupe Davis. Depuis l’Insep [Institut national du sport, de l’expertise et de la performance], avec Julien [Benneteau], on s’est entraîné toute une carrière pour vivre ce moment. » « Son amour pour l’équipe de France, c’est un truc de malade », prolonge dans L’Equipe son formateur à l’Insep, Olivier Soulès, rappelant un épisode où, en compétition de jeunes, Nicolas Mahut avait « peint son drap de lit en bleu-blanc-rouge et il dormait dedans. »

Une passion devenue martyr il y a un an, quand, à la surprise générale, Yannick Noah décide d’associer Richard Gasquet et Pierre-Hugues Herbert pour le double de la finale face à la Belgique. Mahut, qui a été de toute la campagne et qui a fait ses preuves avec Herbert, en est réduit à assister depuis le banc de touche avec Benneteau au triomphe des Bleus. Associé à la victoire comme tous les joueurs ayant participé à la campagne victorieuse, Mahut a soulevé le saladier d’argent avec ses compères, mais n’y a pas trouvé la saveur espérée.

Comme si l’histoire avait souhaité corriger cette anomalie, les inséparables Benneteau et Mahut ont eu l’occasion, à l’automne, de disputer le double de la demi-finale face à l’Espagne. Une ultime victoire en bleu pour le Bressan, fraîchement retraité du circuit, et « une belle histoire », selon Yannick Noah.

Opposés à « l’expérience et la fougue »

Assuré - sauf séisme - de disputer le double de la finale, Nicolas Mahut est conscient des enjeux. Indépendamment des résultats de ses coéquipiers vendredi - deux défaites - obligeant les Bleus à réaliser une remontée vue une seule fois dans l’histoire de la compétition (en 1939), l’Angevin sait que 2018 est sa dernière chance de disputer une finale de Coupe Davis. Car dès la saison prochaine, la réforme drastique de la compétition ôtera à la vénérable coupe certains de ses charmes. « J’aurai ce privilège d’essayer d’apporter ce point pour la dernière finale de Coupe Davis, assumait-il mardi. C’est un privilège et une responsabilité. »

De l’autre côté du filet, samedi, Mahut et Herbert devraient affronter « l’expérience et la fougue » – les mots sont de l’Alsacien – du duo Ivan Dodig-Mate Pavic. S’ils ne sont pas coéquipiers au fil de la saison, les deux Croates excellent en double. Et le plus jeune, Pavic, quatrième joueur mondial a rendu les armes cette année face aux Français en finale de Roland-Garros. « Le double croate, c’est du très sérieux, assurait Mahut mardi devant la presse. Et il ne faut d’ailleurs pas écarter la possibilité que Cilic joue. » Vainqueur sans forcer de Jo-Wilfried Tsonga vendredi, le leader de la nation au damier n’a pas exclu cette hypothèse : « je suis capable de jouer trois jours de suite. Je suis prêt. »

S’il choisit d’aligner son meilleur joueur, le capitaine croate Zeljko Krajan fournira à Mahut un regain de motivation : en 2016, Marin Cilic et Ivan Dodig avaient infligé à la paire Herbert-Mahut sa seule défaite en Coupe Davis, lors d’une élimination de demi-finale. Profondément marqué par ce qu’il nomme « le vestiaire de Zadar », où les Bleus de Noah s’étaient « promis de se retrouver un an après et de se qualifier pour la finale », Nicolas Mahut ne manque pas d’arguments pour pénétrer dans le stade Pierre-Mauroy samedi le couteau entre les dents. Le sort de l’équipe de France est dans sa raquette et celle de Pierre-Hugues Herbert. A eux de rallumer l’espoir.

Finale de la Coupe Davis : double, samedi 24 novembre à 14 heures