La première ministre britannique, Theresa May, à son arrivée à Bruxelles, le 24 novembre. / DYLAN MARTINEZ / REUTERS

Drôle de sommet, drôle d’ambiance. A sa manière toujours percutante, Donald Tusk, le président du Conseil, a donné le ton du sommet spécial Brexit de dimanche 25 novembre à Bruxelles. Une rencontre au goût plutôt amer pour les Européens.

« Dimanche, je vais recommander que nous approuvions le résultat des négociations du Brexit. Personne n’a de raisons de s’en réjouir. Mais finalement, en ces temps difficiles, les 27 ont passé avec succès le test de l’unité et de la solidarité », a tweeté l’ex-premier ministre polonais, samedi 24 novembre. Et de citer dans la foulée Freddy Mercury, « qui a disparu il y a exactement vingt-sept ans » : « Friends will be friends, right till the end », une chanson du groupe Queen qui lui servira de « devise » pour dimanche…

Ce sommet acte en effet une étape essentielle d’un processus désormais difficilement réversible : le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE). « Ce n’est pas une victoire, c’est un divorce. Et un dimanche matin, personne n’a envie de s’attarder à Bruxelles », glissait un diplomate ces derniers jours.

Samedi après-midi, le gouvernement britannique a fait savoir qu’il était prêt à discuter en direct avec Madrid, après le Brexit, de l’avenir de Gibraltar, comme réclamé avec véhémence par le premier ministre espagnol Pedro Sanchez. Cette concession a dissipé les derniers doutes sur la tenue du sommet spécial Brexit de dimanche, M. Sanche ayant menacé à trois reprises de « mettre son veto » à un accord sur le divorce.

Montrer l’unité des 27 face au Brexit

Arrivée samedi à Bruxelles pour une ultime rencontre bilatérale avec le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, Theresa May devrait donc retrouver, dimanche matin, ses 27 collègues européens pour signer, après dix-sept mois d’âpres négociations, leur traité du divorce. Un pavé de presque 600 pages, assorti d’une déclaration politique esquissant la relation future entre le Royaume-Uni et l’UE.

En plus de l’adoption avec Londres de ces deux documents, les 27 devraient en parallèle endosser une autre déclaration soulignant leurs priorités pour la future négociation : la pêche, éviter le dumping économique, etc. Cette nouvelle négociation, qui promet d’être aussi complexe et dure que celle du divorce, commencera formellement entre Londres et Bruxelles dès le 30 mars 2019. Elle devrait aboutir à un accord de libre-échange, assorti d’une série de conventions bilatérales (sécurité, pêche, etc) au plus tôt d’ici fin 2020. Ou fin 2022, si les Britanniques décident de prolonger la période de transition.

Le sommet, dimanche, vaut surtout pour ses mises en scène. Donald Tusk l’a dit lui-même samedi : les Européens comptent y démontrer de nouveau leur unité à 27 face au Brexit et très discrètement célébrer la capacité qu’ils ont démontrée, à préserver leur intérêt collectif. » Personne ne voulait vaincre sur l’autre. Nous avons tous essayé d’aboutir à un accord juste et bon. Et je pense que nous avons finalement trouvé le meilleur compromis possible », a encore souligné Donald Tusk samedi.

Certes, ces derniers jours, cinq ou six pays ont réclamé davantage de garanties pour leurs pêcheurs dans le cadre de la relation future avec le Royaume-Uni (France, Danemark, Suède, Espagne, Portugal, Pays-Bas), d’autres avaient besoin d’assurances supplémentaires concernant le sort des expatriés (Polonais), et l’Espagne a tenté de pousser au maximum son avantage sur Gibraltar, un minuscule territoire dont elle réclame la souveraineté.

Certes encore, les 27 sont toujours aussi déchirés sur les sujets migratoires, paralysés dans l’intégration de la zone euro. Divisés sur les valeurs. Et le gouvernement populiste italien s’est engagé dans un bras de fer au long cours avec Bruxelles sur son budget.

Pourtant, ces deux dernières années, les 27 capitales européennes ont approuvé quasiment sans couacs la ligne de négociation défendue en leur nom par leur négociateur en chef Michel Barnier, dont la qualité du travail devrait être saluée dans les conclusions du conseil de dimanche.

Les 27 sont restés très fermes

Les 27 sont restés très fermes, ne cédant pas un pouce de terrain face aux Britanniques sur le respect des règles du marché intérieur : ses quatre libertés de circulation (personnes, capitaux, services, marchandises) et la suprématie de la Cour de justice de l’UE pour interpréter le droit de l’UE. Ils ont par ailleurs soutenu jusqu’au bout l’Irlande, refusant un divorce qui mettrait en péril les accords de paix de 1998 avec l’Irlande du Nord.

Il en résulte un traité de divorce préservant largement leurs intérêts et sans concessions pour Londres. Le texte consacre le fait que le Royaume-Uni deviendra un « pays tiers » le 30 mars 2019, mais le maintient quand même dans l’orbite proche de l’UE, l’empêchant par exemple de limiter les mouvements des autres Européens et de développer une politique commerciale autonome durant toute la période de transition.

Le texte offre par ailleurs de la visibilité aux 4 millions d’expatriés concernés par le Brexit, et garantit que Londres s’acquittera de ses engagements financiers au budget de l’UE. Il devrait décrocher le feu vert du parlement européen sans trop de problèmes dans les semaines à venir.

Toute la question est de savoir si les parlementaires britanniques lui donneront eux aussi une majorité. A ce jour, le « deal » obtenu par Mme May a fait l’unanimité contre lui à Westminster. Et les 27 redoutent la reproduction du scénario qu’ils ont vécu début 2016. Après six mois d’intenses négociations, ils avaient fait de vraies concessions à David Cameron, l’ex-premier ministre britannique instigateur du référendum Brexit. Limitation autorisée, même si sous conditions, des Européens à l’entrée sur le territoire britannique, modifications des traités sur les finalités de l’Eurozone… Pourtant ces « cadeaux » n’ont absolument pas pesé dans la campagne référendaire au Royaume-Uni et les Britanniques ont finalement voté à plus de 51 % pour prendre le large.

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