Les Bleus, lors de l’hymne précédent les rencontres, vendredi. / CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

« Moi aussi je suis prêt ! » Le visage barré du sourire de celui qui vient de réaliser son rêve de gosse, Nicolas Mahut a interrompu une question à son camarade Pierre-Hugues Herbert. La victoire du duo face à la paire croate Pavic - Dodic, samedi 24 novembre, maintient la France en vie dans la finale de Coupe Davis. Désormais menées 2-1 (dans un format au meilleur des cinq matchs), les troupes du capitaine Noah ont une – puis deux, si la balle retombe du bon côté du filet – rencontre à disputer dimanche pour inverser la tendance. Et devenir la seconde équipe de l’histoire à remonter un débours des deux premiers matchs en finale, après l’Australie en 1939. Si d’aventure le capitaine français choisit de faire appel à lui pour l’un deux simples décisifs, le vétéran Mahut, pilier du double hexagonal, assure être prêt à entrer sur le court.

Tsonga aussi était prêt. Dans la semaine précédant le début de la finale, l’ancien numéro 1 français – retombé au 259e rang mondial après une saison écourtée de sept mois par une blessure – assurait « avoir tout fait pour être au top » à ce dernier rendez-vous de l’année. La sanction du court fut plus cruelle. Vendredi, opposé à Marin Cilic, « Jo » s’est montré incapable d’inquiéter le septième joueur mondial, et a terminé la rencontre blessé, après une alerte sur un adducteur. Une blessure, ajoutée à la piètre performance de Jérémy Chardy lors du match d’ouverture, qui force Yannick Noah à redistribuer les cartes pour la journée de dimanche.

Le vainqueur de Roland-Garros 1983, qui dispute sa dernière saison sur le banc bleu, est accoutumé aux choix forts ; il en a encore fait la preuve pour cette finale. Depuis l’entame de cette ultime campagne de Coupe Davis – avant la refonte drastique de la compétition l’an prochain –, le capitaine français a aligné neuf joueurs différents au fil des tours. Adrien Mannarino, Richard Gasquet, Pierre-Hugues Herbert, Nicolas Mahut, Lucas Pouille, Jérémy Chardy, Benoît Paire, Julien Benneteau et Jo-Wilfried Tsonga, titularisé en finale. Une liste où ne figurent pas Gilles Simon et Gaël Monfils, habitués du maillot bleu. L’année passée, ils étaient huit à soulever le saladier d’argent. Une profondeur de banc propre à la France en Coupe Davis.

Transcendés par le groupe

« C’est la caractéristique du tennis français depuis de nombreuses années, analyse l’ancien entraîneur de Yannick Noah, Patrice Haguelauer. On n’a pas eu de numéro 1 mondial, de Nadal, ou de Federer. Mais dans le tennis français on a toujours eu des joueurs entre la 5e et la 100e. » Une densité dans laquelle le capitaine puise pour former son groupe, là où d’autres équipes – comme la Croatie en finale, ou la Belgique l’an passé – s’appuient sur un effectif plus réduit, mené par une star.

« Nous aussi on a eu des blessés, mais aujourd’hui, c’est nous qui sommes là », avait rétorqué Yannick Noah au sortir de la demi-finale victorieuse face à l’Espagne à un journaliste observant qu’une fois encore, sa légendaire baraka lui avait fait affronter une équipe privée de son meilleur joueur. Manière de souligner en filigrane qu’il pouvait s’appuyer sur une pléthore de joueurs interchangeables. L’équipe de France est ainsi faite, son nom est légion car ils sont nombreux.

« Aujourd’hui, on n’a pas un Federer ou un Djokovic, a admis Lucas Pouille en début de semaine – avant d’apprendre qu’il ne disputerait pas les premiers simples. Mais notre équipe, c’est notre force. » Avec pour constante, observe Haguelauer, le fait d’avoir « génération après génération des joueurs qui performent plus en Coupe Davis que sur le circuit. » Et les joueurs français le reconnaissent : pratiquant un sport individuel à l’extrême, ils s’épanouissent davantage dans le contexte de sport collectif créé à l’occasion des rassemblements en Bleu. « Il n’y a pas de hasard, insistait Pouille après la demi-finale, le fait d’être dans un groupe, ça me transcende. »

Herbert « assez fou pour y aller »

Une force qui a parfois pris à revers les adversaires des Bleus. Avant la finale, Marin Cilic admettait sa « surprise que [Jérémy] Chardy joue » là où il attendait Pouille et Tsonga. Rebelote avant la journée de dimanche. S’il affiche sa « confiance » en ses deux joueurs de simple, Cilic et Coric (respectivement 7e et 12e joueurs mondiaux), le capitaine croate Zeljoko Krajan confesse ignorer qui ils vont affronter sur le court. « C’est difficile de dire ce qu’il [Noah] va faire. Marin et Borna seront prêts à toute éventualité, mais ils ne vont savoir qu’une heure avant le match qui ils vont jouer. » Ce que confirme, en souriant, le capitaine français. « Je ne vois pas une bonne raison pour moi de venir ce soir [samedi] vous annoncer qui va jouer demain », a lancé Yannick Noah en conférence de presse après la victoire du double.

Chef d’orchestre réputé pour tirer le meilleur de ses solistes, Noah devrait encore pianoter dans son effectif pour composer la partition de dimanche. Outre Pouille, pressenti pour affronter Cilic, il pourrait sortir un ultime tour de son sac : Pierre-Hugues Herbert face à Borna Coric en cas de cinquième manche. « Je ne sais même pas aujourd’hui ce qu’il y a dans la tête de Yann, a reconnu l’Alsacien samedi. Tout ce que je sais, c’est que si on fait appel à moi, je pense que je serais assez fou pour y aller. » Lui aussi est prêt.

Les différents scénarios envisageables

Menée 2-1, la France doit disputer dimanche au moins une rencontre. Et le scénario à sens unique des simples vendredi devrait amener Yannick Noah à faire des ajustements. Cette année, les capitaines ont la possibilité de puiser parmi les cinq joueurs sélectionnés pour disputer les rencontres de simple (contre quatre jusque-là). Et les règles de la Coupe Davis font qu’un joueur ayant disputé le premier match vendredi dispute le second dimanche (et vice-versa).

Par ailleurs, touché aux adducteurs et diminué en fin de match vendredi, Jo-Wilfried Tsonga a passé des examens samedi. Et si Yannick Noah n’a pas dévoilé son jeu après le double, il ne semble guère probable qu’il prenne le risque d’aligner un joueur pouvant à tout moment abandonner s’il aggrave sa blessure. D’où les trois scénarios suivants, par ordre de probabilité.

  • Lucas Pouille - Marin Cilic
  • Pierre-Hugues Herbert - Borna Coric (si nécessaire)
     
  • Jérémy Chardy - Marin Cilic
  • Lucas Pouille - Borna Coric (si nécessaire)
     
  • Jérémy Chardy - Marin Cilic
  • Pierre-Hugues Herbert - Borna Coric (si nécessaire)