Bruno Le Maire, le 26 novembre 2018. / ERIC PIERMONT / AFP

A défaut d’apaiser les « gilets jaunes », le gouvernement s’efforce de rassurer les entreprises. Déplorant l’« impact sévère » qu’ont eu « les événements récents » pour nombre d’enseignes et de PME, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a annoncé, à l’issue d’une réunion lundi 26 novembre à Bercy, l’instauration immédiate de plusieurs mesures de soutien à l’activité. Un micro-plan d’aide que sera chargé de superviser la cellule de continuité économique, réactivée pour l’occasion

La mise en place de cette entité ad hoc, composée de représentants des professionnels et des services de l’Etat, était réclamée par le Medef. Elle aura pour mission de veiller au « bon remboursement, par les assureurs, des dégâts qui ont été causés ». Outre des facilités en cas de dépassements de découvert accordés par les banques, un étalement des échéances sociales et fiscales pourra être décidé « entreprise par entreprise ». La Banque publique d’investissement (BPI) sera également sollicitée pour « alléger la trésorerie » des structures en difficulté.

« Je demanderai à la ministre du travail, Muriel Pénicaud, si elle peut mettre en œuvre de manière anticipée des mesures de chômage partiel […] et des ouvertures supplémentaires le dimanche pour les commerces qui n’en bénéficieraient pas et pourraient donc rattraper leur perte de chiffre d’affaires des semaines passées », a ajouté Bruno Le Maire.

Effet de cumul

S’il est encore « trop tôt » pour estimer les répercussions des mobilisations sur la croissance du produit intérieur brut, il y a de fortes chances que la consommation, déjà en berne, s’en ressente. Pour « la grande distribution, la perte de chiffre d’affaires a été de 35 %, le samedi 17 novembre, et de 18 %, le samedi 24 novembre ; dans la semaine, elle s’est échelonnée, entre 8 et 15 % », selon le ministre. Des reculs qui « peuvent atteindre 60 à 70 % pour certains artisans bouchers, coiffeurs ou boulangers ».

Toutes les régions n’ont toutefois pas été jusque-là affectées de la même façon. Malgré la manifestation qui s’est déroulée sur les Champs-Elysées, l’Ile-de-France reste, semble-t-il, relativement épargnée, alors que d’importants blocages ont paralysé l’activité dans le Gard, autour d’Alès et Nîmes, mais aussi dans l’Hérault et en Gironde.

« Il y a un effet de cumul, explique Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) : non seulement certains magasins sont fermés ou pâtissent des filtrages, mais les blocages d’entrepôts posent des problèmes d’approvisionnement. Des sites, aujourd’hui, ne peuvent pas ouvrir faute d’avoir été livrés ».

« Certaines entreprises ont eu jusqu’à 70 % de leur flotte de camions bloquée », confirme Marie-Laure Merville, de la Fédération nationale des transports routiers. Dans le secteur, des baisses de chiffre d’affaires de 15 % « minimum » ont été enregistrées.

Situation tendue dans l’alimentaire

Côté commerce, la situation est particulièrement tendue dans l’alimentaire, notamment pour les vendeurs de fruits et légumes qui n’ont pas pu écouler leurs stocks. « Leurs pertes, souligne Jacques Creyssel, ne sont pas rattrapables, contrairement à celles des magasins de jouets ».

La pilule est d’autant plus amère pour les commerçants et distributeurs que l’approche des fêtes de fin d’année rime désormais avec « Black Friday » et « Cyber Monday ». Ces opérations promotionnelles importées des Etats-Unis avaient permis, en 2017, de doper de 8 % la fréquentation des centres commerciaux par rapport à l’année précédente. Un chiffre qui a dégringolé à − 19,1 % dans les espaces situés en périphérie des villes le week-end dernier.

Les barrages ont sans doute davantage joué que la vidéo mise en ligne vendredi 23 novembre par la secrétaire d’Etat à la transition écologique, Brune Poirson, dénonçant une « double arnaque pour la planète et pour [le] porte-monnaie ». Des propos qu’ont peu goûtés les enseignes… « Le gouvernement aurait dû faire preuve de plus de retenue, estime Gontran Thüring, délégué général du Conseil national des centres commerciaux (CNCC). Il ne devrait pas stigmatiser de catégories socioprofessionnelles. Maintenant, on attend ce que va dire l’oracle Macron. »