Le FSB a confirmé « détenir » trois navires de la marine ukrainienne – les vedettes blindées d’artillerie « Berdyansk » et « Nikopol » ainsi que le remorqueur « Yani-Kapou ». / AP

La situation diplomatique reste très tendue entre la Russie et l’Ukraine, lundi 26 novembre, au lendemain d’un incident sans précédent ayant conduit à la capture de trois navires ukrainiens par la marine russe en mer Noire. Le secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), Jens Stoltenberg, a convoqué une « réunion extraordinaire » avec l’Ukraine lundi après-midi, à Bruxelles, « pour examiner la situation actuelle ».

Dimanche, le détroit de Kertch, qui délimite les eaux de la mer d’Azov et celles de la mer Noire, a été le théâtre d’une escalade et d’un face-à-face entre plusieurs navires de guerre russes et ukrainiens. Celui-ci s’est soldé par des tirs de la marine russe sur trois bateaux ukrainiens. Mis hors de combat, ils ont ensuite été capturés par des commandos du FSB, les services de sécurité russes qui ont la charge de la protection des frontières. Selon Kiev, six de ses marins auraient été blessés et vingt-trois capturés dans ces violences – les plus graves dans cette zone où la tension n’a cessé de monter ces derniers mois.

Introduction de la loi martiale

Lundi matin, à l’aube, les Russes ont annoncé avoir enlevé le pétrolier qu’ils avaient disposé sous les arches du pont de Kertch, entre la Crimée et la Russie, et annoncé la réouverture de la navigation dans le détroit.

Infographie du détroit de Kertch.

Le président ukrainien, Petro Porochenko, a dénoncé « un acte agressif de la Russie visant une escalade préméditée » et réclamé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU), imité un peu plus tard par la partie russe. Cette réunion doit se tenir dans la journée à New York.

M. Porochenko a aussi exigé la libération de ses marins et de nouvelles sanctions contre la Russie. Il a par ailleurs demandé au Parlement, qui doit se réunir dans l’après-midi, d’envisager l’introduction de la loi martiale pour soixante jours. A Kiev, des dizaines d’Ukrainiens se sont rassemblés devant l’ambassade russe dans la nuit de dimanche à lundi, en lançant des fumigènes et installant des bateaux en papier devant l’ambassade. Selon les médias locaux, une voiture appartenant à un diplomate russe a également été brûlée à Kiev. Lundi, des membres de l’extrême droite ukrainienne se sont réunis sur la place de l’Indépendance, à Kiev, pour soutenir la mise en place de la loi martiale. Cette mesure aurait potentiellement pour effet une rupture des relations diplomatiques avec la Russie, l’instauration de l’état d’urgence, voire le report du scrutin présidentiel de mars 2019 pour lequel M. Porochenko est en grande difficulté.

SERGEI SUPINSKY / AFP

« Méthodes dangereuses »

De son côté, le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a accusé l’Ukraine d’utiliser des « méthodes dangereuses » dans le détroit de Kertch : « Une violation a eu lieu, et des méthodes dangereuses ont par ailleurs été utilisées. Cela pouvait créer et cela a créé une menace et des risques pour le déplacement normal des navires dans ce corridor maritime » entre la mer d’Azov et la mer Noire, a affirmé M. Lavrov, ajoutant qu’il s’agissait d’une « provocation ». Selon lui, Kiev a violé des « dispositions-clés du droit international, non seulement maritime », mais également « la charte de l’ONU incluant la convention de 1982 sur le droit de la mer et d’autres textes de droit international ».

Les gardes-frontières russes ont de leur côté agi « en stricte conformité avec la législation, à la fois le droit international et le droit intérieur », a assuré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Concernant la réunion d’urgence que tiendra le Conseil de sécurité de l’ONU dans la journée, Sergueï Lavrov a déclaré qu’il ne se faisait « pas d’illusions, compte tenu que l’Occident a pris position pour un soutien aveugle du président Porochenko et de son régime ».

« Désescalade »

Sur son compte Twitter, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a condamné « l’usage de la force par la Russie en mer d’Azov ». « Les autorités russes doivent rendre les marins et les navires ukrainiens et s’abstenir de nouvelles provocations », a ajouté le Polonais, qui dirige l’instance regroupant les dirigeants des pays de l’UE.

Le ministre des affaires étrangères allemand, Heiko Maas, a également réagi sur Twitter, jugeant « inacceptable » tout blocage par la Russie du passage dans la mer d’Azov. « Il est important que le blocage soit levé », a affirmé M. Maas en appelant Russie et Ukraine à la « désescalade ».

« Compte tenu de notre connaissance des faits à ce stade, rien ne paraît justifier cet emploi de la force par la Russie », a déclaré le Quai d’Orsay dans un communiqué. Les autorités françaises, ajoute-t-il, appellent « la Russie et l’Ukraine à faire preuve de la plus grande retenue et à prévenir toute escalade militaire » et invitent Moscou à « respecter la liberté de passage dans le détroit de Kertch ainsi que de navigation dans les eaux de la mer d’Azov ».

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