Comme prévu, l’invité d’honneur a manqué à l’appel. Mark Zuckerberg, le président de Facebook, ne s’est pas rendu à Londres, mardi 27 novembre, malgré les convocations répétées des parlementaires de dix pays, dont la France. Le numéro 1 de Facebook était pourtant depuis plusieurs mois dans le viseur de la Commission britannique sur le numérique, la culture et les médias (DCMSC) de la Chambre des communes et de son président, Damian Collins, dans le cadre d’une enquête sur le phénomène des « fake news ». Ces dernières semaines, plusieurs pays se sont joints à l’initiative britannique pour réclamer à Mark Zuckerberg des explications sur la circulation des fausses informations permise par son réseau social.

A la place du numéro 1 de Facebook, lors de l’audition tenue à la chambre basse du Parlement britannique, mardi : Richard Allan, vice-président de Facebook et responsable de la politique publique, qui a répondu aux questions des députés. Il y a défendu la décision de son PDG de ne pas témoigner dans le cadre de la Commission britannique, en expliquant que Mark Zuckerberg s’était déjà exprimé, plus tôt dans l’année, devant des parlementaires américains et européens. Des auditions tendues, qui avaient eu lieu après le scandale généré par l’affaire Cambridge Analytica, et les questions posées dans le monde entier face à l’utilisation de Facebook par des organisations ou des pays étrangers souhaitant influer sur l’élection d’un pays, notamment à travers des campagnes de désinformation.

« Injustice fondamentale »

A Londres, à côté de Richard Allan, la commission internationale de parlementaires a cependant conservé un siège vide, avec un petit carton signifiant à la fois l’absence du principal responsable du réseau social et leur souhait d’en entendre davantage de sa part.

Lors de l’audition de Facebook à la chambre basse du Parlement britannique, mardi 27 novembre. / Gabriel Sainhas / AP

« Je ne vais pas vous contredire : nous avons mis à mal la confiance que le monde pouvait avoir en Facebook, en raison de certaines actions de notre part », a justifié Richard Allan lors de l’audition, en réponse à un parlementaire canadien, Charlie Angus, qui a déclaré que Facebook avait « perdu la confiance de la communauté internationale quant à sa capacité à se réguler soi-même ».

« Pendant que nous jouions avec nos téléphones et nos applications, nos institutions démocratiques (…) semblent avoir été bouleversées par le club des milliardaires de Californie », a lancé Charlie Angus à Richard Allan. La sénatrice française Catherine Morin-Desailly a, de son côté, qualifié de « scandale » l’approche de Facebook en matière de protection de données. Le parlementaire irlandais Eamon Ryan a, lui, parlé d’« injustice fondamentale » en ce qui concerne l’accès à des données d’utilisateurs de Facebook par des tiers.

Des documents internes révélés

Lors de l’audition, Damian Collins a également demandé à Richard Alland de commenter le contenu de documents internes de Facebook saisis par l’intermédiaire de l’entreprise américaine Six4Three et provenant, à l’origine, d’une procédure juridique aux Etats-Unis. Des documents dont le contenu exact, de même que les dates d’écriture, et les dates de réception par Facebook ou d’envoi à Facebook restent flous, mais que Damian Collins avaient présenté comme cruciaux, la veille de l’audition.

Selon le discours tenu par le député britannique, l’un des e-mails contenus dans ces documents affirme qu’un ingénieur de Facebook avait averti son entreprise dès octobre 2014 que des personnes, potentiellement situées en Russie, avaient réussi à siphonner un nombre considérable de données d’utilisateurs Facebook.

Damian Collins a ainsi évoqué « trois milliards » de « data points » (des éléments de données utilisateurs) extraites chaque jour du réseau social par des « adresses IP en provenance de Russie ». Ce qui contredirait les affirmations publiques de Facebook, selon lesquelles des activités suspicieuses en provenance de Russie n’ont commencé à être signalées et examinées qu’en 2016, dans le cadre de la campagne électorale américaine.

« Si les adresses IP russes extrayaient d’énormes quantités de données de la plate-forme, (…) était-ce signalé ou juste caché sous le tapis ? », a demandé Damien Collins à Richard Allan. « Toute information que vous pouvez avoir vue (…) est au mieux partielle, au pire potentiellement trompeuse », a répondu ce dernier, ajoutant que les e-mails évoqués par Damian Collins comportaient des informations « partielles » et « non vérifiées ». Peu après l’audition, Facebook a envoyé un communiqué à l’agence Bloomberg, précisant ce démenti : « Les ingénieurs qui ont signalé ces problèmes ont ensuite examiné plus en détails les élements concernés et n’ont pas trouvé de preuve qu’il s’agissait bien d’activités suspectes en provenance de Russie. »

Des réponses qui ne sont peut-être qu’un premier tour de chauffe pour Facebook. Selon Bloomberg, Damian Collins a également indiqué, lors de l’audition, qu’il souhaitait publier l’intégralité des documents en sa possession « dans le courant de la semaine », afin de presser davantage Facebook à s’expliquer sur son manque potentiel de vigilance face aux utilisations problématiques de sa plateforme.