La première ministre britannique, Theresa May et le président de la commisiion européenne Jean-Claude Juncker, à Bruxelles, le 24 novembre. / YVES HERMAN / REUTERS

Editorial du « Monde ». Ne nous y trompons pas, et les dirigeants de l’Union européenne l’ont rappelé dimanche 25 novembre, en avalisant solennellement leur accord sur les termes du divorce avec Londres : le Brexit n’est pas une bonne nouvelle pour la construction européenne. Se séparer d’un membre éminent, puissance économique de premier plan, pôle financier mondial, titulaire d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, après quarante-cinq années de vie commune, n’est ni anodin ni réjouissant.

Cette séparation affaiblira politiquement et économiquement l’Union, même si le Royaume-Uni, désormais isolé, sera le premier affecté. Et, même si les liens entre Londres et les Vingt-Sept resteront étroits, comme l’a souhaité Michel Barnier, le négociateur en chef du Brexit pour l’UE, en promettant : « Nous resterons des partenaires, des alliés, des amis. »

Il s’est pourtant passé quelque chose de tout à fait remarquable depuis ce triste référendum britannique du 23 juin 2016 : face à Londres, les Vingt-Sept ont réussi à maintenir une quasi parfaite unité. Eux, si prompts à se diviser, qu’il s’agisse des migrations, de l’Etat de droit ou de la zone euro, sont parvenus à parler d’une seule voix. La méthode choisie par Michel Barnier n’y est pas étrangère.

Les qualités de sérieux, d’écoute et de loyauté du Savoyard, largement sous-estimé en France, ont rassuré les capitales, dont il n’a cessé de faire le tour. Avec ses deux principales collaboratrices, l’Allemande Sabine Weyand et la Française Stéphanie Riso, il a su fédérer les Européens autour de quelques lignes très claires : protéger le sort des expatriés, exiger du Royaume-Uni le paiement de tous ses engagements financiers, défendre à tout prix le marché intérieur de l’Union et éviter le retour d’une frontière en Irlande pour préserver les accords de paix de Belfast de 1998.

Londres a eu beau dépêcher des émissaires dans les Etats membres, aucune capitale n’a fait défaut à Bruxelles, pas même Varsovie ou Rome. L’unité a payé : l’accord du divorce défend très largement les intérêts des Vingt-Sept.

Les mouvements nationalistes continuent à prospérer

Cette unité sera de nouveau sollicitée – si les députés britanniques approuvent l’accord – lorsque s’ouvrira, le 30 mars 2019, la négociation sur la « relation future » entre Londres et l’UE. Elle promet d’être aussi âpre que celle du Brexit, sur des sujets comme la pêche, les craintes de dumping fiscal, social ou environnemental. L’UE devra continuer à serrer les rangs.

Les Européens sauront-ils mettre à profit cette unité pour relancer un vrai projet commun ? Le moment, théoriquement, devrait s’y prêter. La crise politique dans laquelle est plongé le Royaume-Uni depuis deux ans a ôté tout crédit aux arguments des populistes qui réclamaient « la fin » de l’Union ou un « exit » pour leur propre pays. On peut trouver quelque ironie à ce réflexe collectif d’autodéfense, à cette volonté de rester ensemble partagée y compris par les gouvernements les plus critiques à l’égard de Bruxelles. On peut aussi y voir le signe positif d’une communauté consciente des avantages de la vie en commun, surtout lorsqu’il fait froid dehors.

Pour autant, les mouvements nationalistes continuent à prospérer dans la plupart des Etats membres. Ils se nourrissent de l’incapacité des gouvernements à fournir des réponses aux inquiétudes quotidiennes des citoyens de l’Union. L’Europe ne serait donc pas le problème : il est urgent de prouver, avant les élections au Parlement européen en mai, qu’elle peut contribuer à la solution.