Emmanuel Macron, président de la République, fait un discours après l’installation du Haut-Conseil pour le climat au Palais de l’Elysée à paris, mardi 27 novembre 2018. / Jean-Claude Coutausse / French-Politics pour «Le Monde»

Les annonces d’Emmanuel Macron et de François de Rugy sur la feuille de route énergétique de la France ouvrent un nouveau chantier pour EDF : celui de sa réorganisation interne. Mardi 27 décembre, le président de la République a demandé explicitement au groupe de proposer des évolutions de sa structure tout en préservant « l’intégrité du groupe ».

« Il faut vraiment regarder tous les possibles » mais « nous voulons qu’EDF reste un groupe intégré, ce n’est pas un découpage d’EDF », a insisté le ministre de la transition écologique et solidaire.

Concrètement, avec l’annonce de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), le gouvernement a fixé un cap pour le futur de l’entreprise. Certes, le scénario retenu n’est pas exactement celui que souhaitait le groupe de Jean-Bernard Lévy, mais il s’en rapproche fortement. EDF demandait qu’aucune fermeture de réacteur n’ait lieu avant 2029. Le gouvernement a finalement proposé deux fermetures en 2027 et 2028, mais l’essentiel des arrêts de réacteurs se fera entre 2029 et 2035, comme l’espérait le groupe.

Plan de réduction des coûts pour les futurs EPR

Si M. Macron ne s’est pas engagé de manière claire sur la construction de nouveaux EPR, il a ouvert la porte à cette possibilité, en demandant à la filière nucléaire de présenter un plan pour mi-2021.

Cette date à son importance. Elle permet de lancer plusieurs chantiers majeurs pour EDF. D’abord, la mise en place d’un plan de réduction des coûts pour les futurs EPR. Surtout, elle permet au gouvernement de revoir le mécanisme qui oblige EDF à vendre à prix fixe l’électricité du parc nucléaire à ses concurrents. Ce système appelé Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) est jugé très défavorable à EDF par la direction, et le président de la République y a fait directement allusion dans son discours. Le desserrement de ce mécanisme permettrait à EDF de vendre son électricité plus cher, et de renflouer ses caisses. Cette revendication est centrale dans la stratégie de M. Lévy, le PDG du groupe, pour redresser les comptes de l’entreprise.

Enfin, cela ouvre une période qui permet à EDF de travailler à une nouvelle organisation. M. de Rugy a esquissé, mardi, la possibilité de créer des filiales à l’intérieur de la maison mère. Une manière de dire que le nucléaire pourrait être isolé dans une structure à part, et que d’autres filiales, comme les renouvelables, la distribution ou les services, pourraient voir leur capital ouvert en partie.

Permettre à EDF de faire face aux nombreux investissements

L’objectif est de permettre à EDF de faire face aux nombreux investissements qui seront nécessaires pour prolonger la durée de vie du parc nucléaire. Or l’entreprise est toujours très endettée, et aura du mal à financer seule ce programme de « grand carénage » de mise aux normes des centrales.

« La feuille de route d’EDF doit être prête pour 2021, ça donne un cadre clair », explique Charlotte de Lorgeril, consultante énergie chez SIA Partners. Officiellement, EDF ne souhaite pas s’exprimer sur le sujet, mais, dans le détail de la PPE, on retrouve les grandes lignes des propositions formulées par l’électricien. En interne, on note toutefois la « cohérence » et le « pragmatisme » des mesures dessinées par l’exécutif.

Une vision qui n’est pas partagée par la CGT d’EDF, qui s’oppose au calendrier de fermetures de centrales à charbon et de centrales nucléaires, et a déjà décidé d’appeler à la grève et à des mobilisations le 3 décembre pour s’y opposer.

« Une stagnation dans l’impasse nucléaire »

Pour les ONG écologistes, le lobbying d’EDF a été efficace. Alix Mazounie, chargée de campagne énergie pour Greenpeace France souligne :

« Pour la énième fois, le gouvernement plie devant le lobby du nucléaire. Ce plan incohérent ressemble, ni plus ni moins, au plan d’EDF : jouer la montre et préserver le nucléaire à tout prix ».

« Ce n’est pas une transition que nous propose le gouvernement, mais une stagnation dans l’impasse nucléaire », dénonce le réseau Sortir du nucléaire. La Fondation pour la nature et l’homme (FNH, ex-Fondation Nicolas Hulot), estime, elle, que la France s’enfonce dans l’« ère du nucléaire » : « Sur les fermetures de réacteurs nucléaires, par rapport à ce que Nicolas Hulot avait négocié, le président acte un recul et ouvre la porte à de nouveaux EPR », estime ainsi sa présidente, Audrey Pulvar.

Plusieurs de ces organisations mettent en doute la volonté d’Emmanuel Macron de réellement développer les énergies renouvelables en maintenant une part aussi importante de nucléaire. Et dénoncent le manque de moyens attribués à la rénovation thermique des logements. « Nous attendons toujours un plan Marshall sur ce sujet », déplore-t-on à la FNH.