Emmanuel Macron : « Nous pouvons transformer les colères en solution »
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C’est un changement de ton marqué, de la part de celui qui avait surtout jusque-là exprimé sa « méfiance » face à un mouvement social nébuleux. Dans son discours sur la transition écologique tenu mardi 27 novembre, Emmanuel Macron n’a eu de cesse de souligner combien il « comprenait » la colère des « gilets jaunes », qualifiés par le chef de l’Etat de « premières victimes » de la crise environnementale et sociale.

« Ceux qui disent que ce sont, au fond, toujours les mêmes qui font les efforts (…) ont raison », a affirmé le président, fustigeant « quarante ans de petites décisions » et les discours incitant « depuis des années » les Français à s’installer en périphérie des villes ou à rouler au diesel. Mais si « nous devons entendre les protestations d’alarme sociale », ce sera « sans renoncer à nos responsabilités », car « il y a aussi une alarme environnementale », a toutefois réaffirmé le chef de l’Etat.

« Un changement de méthode », promettant « une grande concertation de terrain » durant trois mois

Qu’a proposé l’Elysée pour calmer le mécontentement social qui dure depuis plus de dix jours ? Emmanuel Macron a fait peu d’annonces concrètes mardi, si ce n’est la création d’un mécanisme de révision de la fiscalité sur les carburants en cas de hausse des cours du pétrole. Surtout, le président de la République a annoncé « un changement de méthode », promettant « une grande concertation de terrain » durant trois mois. Le but ? Que « les acteurs économiques, sociaux, toutes les associations » y compris « les manifestants des gilets jaunes » fassent émerger des « solutions et méthodes d’accompagnement » dans la transition écologique.

Cette nouvelle approche de la part de l’exécutif a-t-elle convaincu sur le terrain ? Interrogé par Le Monde, Mathieu Blavier, 22 ans, désigné parmi les huit référents nationaux du mouvement des « gilets jaunes », a salué ce changement de communication :

« Le président a fait passer un message de paix sociale, en faisant la différence entre nous et les casseurs, en disant qu’il a entendu la colère des “gilets jaunes”. C’est bien. »

Mais « ce n’est pas assez », pour l’étudiant en droit et fondateur d’une micro-entreprise dans les Bouches-du-Rhône :

« Maintenant, il faudrait surtout qu’il nous écoute et qu’il accepte de nous rencontrer. Il parle de changer de méthode, mais il arrive encore avec un plan tout ficelé et dit “j’ai compris où vous voulez aller, mais on va faire comme je le veux. Il n’est toujours pas sur la bonne voie et nous, on ne va rien lâcher. »

« C’est un appel à l’aide »

De son côté, Isabelle, 42 ans, aide-soignante dans le Val-d’Oise qui était venue manifester samedi, juge que M. Macron « est complètement déconnecté de la réalité, il n’a pas l’air de se rendre compte de ce qui est en train de se passer en France, que c’est du jamais-vu. »

« Les gens qui sont dans la rue là, ce sont des gens qui se lèvent tous les matins pour aller travailler, qui ne sont pas des fainéants ni des assistés, qui payent leurs impôts et qui, malgré ça, n’arrivent plus à vivre. Il ne propose aucune mesure immédiate pour redonner du pouvoir d’achat à ces gens-là. »

Cette aide-soignante qui n’avait jamais manifesté auparavant, entend bien continuer à défiler, même si c’est « pas pour le plaisir, c’est un appel à l’aide, un appel à être compris, pris en compte ! » Un son de cloche partagé par Valérie, 50 ans, auxiliaire de vie à Senlis (Oise) qui manifestait samedi à Paris avec son fils et son mari. Elle estime que « la colère monte » :

« Il y a un nouveau rendez-vous samedi à Paris et Macron ne fait aucune annonce sur le pouvoir d’achat et sur les difficultés des Français, c’est incompréhensible ! Un mépris total ! »

Si Valérie salue l’annonce que des « gilets jaunes » seront reçus mardi par le ministre de l’écologie, François de Rugy, elle se dit « pessimiste » sur l’issue de cette réunion, dont on ignore encore les modalités exactes.

« Le mouvement va se durcir »

« Macron garde le cap, nous aussi », clamaient mardi en Bretagne une cinquantaine de « gilets jaunes », installés dans leur nouveau « quartier général », sur un rond-point de Trégueux (Côtes-d’Armor). « Ce qu’il raconte, c’est de la poudre de perlimpinpin ! On ne va pas changer de cap, certainement pas, ici on voit de la misère tous les jours », expliquait à l’Agence France-Presse Bruno Herry, 52 ans, employé de pompes funèbres. Lui et ses compagnons de barricades espèrent bien « continuer le combat, jusqu’à ce que le président cède ».

Une ambition partagée par Jacline Mouraud, figure des « gilets jaunes » dans le Morbihan. Sur CNews, elle a fait part de sa volonté de poursuivre les actions, à la suite des annonces du chef de l’Etat. « On a l’impression que l’écho n’arrive pas jusqu’à lui. Le résultat, c’est que le mouvement va se durcir, c’est obligatoire. »

Lire notre entretien avec l’historien Gérard Noiriel : « Les “gilets jaunes” replacent la question sociale au centre du jeu politique »

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