Theresa May, à Belfast, le 27 novembre. / LIAM MCBURNEY / AFP

Dans la bataille qui fait rage entre Theresa May et les députés britanniques hostiles à l’accord sur le Brexit entériné dimanche 25 novembre à Bruxelles, Donald Trump a choisi son camp : celui des europhobes qui veulent faire tomber la première ministre britannique parce qu’elle aurait fait trop de concessions à l’Union européenne.

Alors que Mme May s’escrime à expliquer que le « deal » passé avec les Vingt-Sept satisfait la promesse du Brexit de rendre sa souveraineté au Royaume-Uni en matière d’accords commerciaux avec l’étranger, le président américain a estimé, lundi, devant des journalistes, depuis la Maison Blanche : « Si vous regardez l’accord, ils [les Britanniques] pourraient ne pas être autorisés à faire du commerce avec nous et ça ne serait pas une bonne chose. » Non content de mettre les pieds dans le plat, il a ajouté : « Cela semble être un très bon accord pour l’UE. » Précisément ce que les conservateurs pro-Brexit affirment pour soutenir leurs accusations de faiblesse visant Mme May.

Ce n’est pas la première fois que M. Trump s’invite dans les affaires du Royaume-Uni, pays où prévaut l’idée d’une « relation particulière » avec les Etats-Unis. Le temps est loin où, en janvier 2017, à la Maison Blanche, il prenait la main de Mme May qui y était accourue juste après son élection. Début novembre, Donald Trump l’avait tancée au téléphone alors qu’elle le félicitait pour le résultat des élections de mi-mandat, avait raconté le Washington Post.

Mais cette fois, son croc-en-jambe a lieu au pire moment pour la première ministre : à deux semaines du 11 décembre, jour où les députés adopteront ou non l’accord avec l’UE qu’elle a laborieusement négocié depuis un an et demi. Un scrutin qui s’annonce mal, tant enfle de jour en jour la fronde des élus, et dont dépend l’avenir politique de Theresa May.

« Le pire de tous les mondes »

Alors qu’elle commençait, mardi, au Pays de Galles, une tournée destinée à convaincre l’opinion des mérites de l’accord, Mme May a rétorqué au président américain que le Royaume-Uni travaillait « très bien » avec les Américains sur un futur accord de libre-échange. Mme May a affirmé que la « déclaration sur les relations futures » jointe à l’accord avec l’UE « établit clairement que nous aurons une politique commerciale indépendante et que nous pourrons négocier des accords commerciaux avec des pays dans le reste du monde ».

La réalité paraît cependant différente : si rien n’empêche formellement le Royaume-Uni d’amorcer de telles discussions, il n’est pas question pour lui de signer un accord en solo pendant la « période de transition (jusqu’à la fin 2020, voire 2022) marqué par un statu quo avec l’UE, ni ensuite en cas de maintien dans une union douanière, comme envisagé. « J’hésite à le dire à un journaliste, mais ce que dit Trump est globalement exact, indique au Monde Jonathan Portes, professeur d’économie à King’s College. L’incertitude sur le degré d’alignement du Royaume-Uni à l’UE dans l’avenir rend des négociations très difficiles. »

Comme si cela ne suffisait pas, Theresa May a aussi encaissé mardi le coup de pied de l’âne de son ancien ministre de la défense, Michael Fallon. Classé jusqu’à présent parmi les loyalistes, Sir Michael a lâché sur la BBC que l’accord avec l’UE préparait « le pire de tous les mondes » et qu’il est « condamné à l’échec ». « Comme la première ministre ? », lui a-t-on demandé. « Cela dépend de mes collègues [députés] », a aimablement rétorqué M. Fallon qui se venge ainsi d’avoir été évincé du gouvernement à la suite d’accusations de harcèlement sexuel.

La veille, Mme May avait affronté une bronca à la Chambre des communes, sur les bancs des conservateurs comme des travaillistes. Il lui faut convaincre 320 députés pour que son « deal » passe. Les tories sont 315, mais 94 d’entre eux ont déjà fait connaître leur opposition.