Emmanuel Macron, lors de l’installation du Haut-Conseil pour le climat, à l’Elysée, le 27 novembre 2018. / Jean-Claude Coutausse / French-Politics pour «Le Monde»

Editorial du « Monde ». Emmanuel Macron n’est pas sorti de l’ornière où il patine depuis l’été et, plus encore, depuis que le mouvement des « gilets jaunes » le somme de répondre, ici et maintenant, à une grogne sociale et à une rogne fiscale de grande ampleur. En intervenant, mardi 27 novembre, devant un parterre de ministres, d’élus et de responsables syndicaux ou patronaux, à l’occasion de la présentation de la stratégie énergétique de la France pour les années à venir, le président de la République n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour assurer au pays qu’il l’avait entendu et pour faire la pédagogie de sa politique.

A ce stade, il n’a pas convaincu. Non seulement, comme il l’a lui-même souligné, parce qu’un discours ne saurait y suffire. Mais aussi parce que les changements de ton affiché par le président et de méthode, qu’il a préconisés, exigent de solides confirmations pour que les Français commencent à y croire.

Le changement de ton ? Il était déjà manifeste lors du déplacement présidentiel en région, début novembre, à l’occasion de la commémoration de la fin de la première guerre mondiale. Il s’est confirmé, le 14 novembre, lors du long échange avec les maires de France à l’Elysée. Il a été encore plus spectaculaire, mardi. Le chef de l’Etat a multiplié les « je vous ai compris », reconnaissant « la juste part d’une colère qui vient de loin » et partageant « la crainte de nos concitoyens d’être laissés pour compte ».

Difficile de calmer la fronde avec de bonnes paroles

Le changement de méthode n’était pas moins démonstratif. C’est, a répété à satiété le président, de l’écoute mutuelle, de l’échange et de la « coconstruction » avec tous les acteurs sociaux et au plus près du terrain que naîtront – dans les trois mois qui viennent – les solutions concrètes et pragmatiques qu’il appelle de ses vœux.

On ne saurait lui faire reproche de ces bonnes intentions. Mais il n’est guère surprenant que la métamorphose n’emporte pas instantanément l’adhésion. Car Emmanuel Macron est à rebours de tout ce qu’il a montré depuis son élection. Difficile de se faire le chantre de la concertation patiente quand on a mis toute son énergie, jusqu’à présent, à trancher, à bousculer et à imposer. Difficile de se faire l’avocat des territoires oubliés de la République quand on a rudoyé sans ménagement leurs élus.

Difficile, enfin, de calmer la fronde actuelle avec de bonnes paroles. Les « gilets jaunes » demandent de la considération certes, mais surtout du « pognon », comme, autrefois, les Français réclamaient « des sous » à de Gaulle ; le chef de l’Etat les assure de son respect, mais ne leur promet, en guise de « pognon », qu’un assouplissement opaque des taxes sur les carburants. C’est une autre limite, technocratique celle-ci, du discours présidentiel : comment répondre effectivement à l’angoisse des « fins de mois » des Français modestes en mettant sur la table un dispositif d’écrêtement des variations du prix de l’essence, dont personne n’a compris le mécanisme.

Enfin, le chef de l’Etat a eu raison de resituer la grogne actuelle dans le cadre global de la transition énergétique et de souligner que celle-ci suppose un changement de « mentalité », pour repenser les modèles économiques et sociaux. Mais, en différant, en réalité, les choix les plus difficiles (notamment sur la question du nucléaire) ou en en restant au discours performatif (sur les énergies renouvelables), Emmanuel Macron est resté trop flou pour faire de cet enjeu un impératif catégorique, collectivement assumé.