Un ensemble de marionnettes exposé au MAM à Lyon. / MURIEL CHAULET

« Sans Guignol, le Musée des arts de la marionnette n’existerait sans doute pas », déclare sans détour Brigitte Sanvoisin, responsable des collections du MAM – musées Gadagne à Lyon, mercredi 28 novembre, à l’occasion d’une visite commentée des salles d’exposition et du nouveau parcours de ce lieu, qui a rouvert ses portes au public le 23 novembre après plusieurs mois de rénovation. Une façon de rappeler que c’est dans la capitale des Gaules que la plus célèbre des marionnettes a vu le jour en 1808, mais aussi que des Guignols lyonnais ont constitué les premières pièces de la collection du Musée international de la marionnette (tel qu’il s’appelait à l’époque) dans les années 1950.

En effet, comme le souligne Xavier de la Selle, directeur des musées Gadagne (MAM et Musée d’histoire de Lyon, MHL), à l’origine, la collection de marionnettes ne constituait qu’une infime partie des fonds du Musée d’histoire de la ville, installé en 1921 dans l’hôtel de Gadagne, monument historique, au cœur du quartier Saint-Jean dans le vieux Lyon. Ce n’est qu’en 1946, sous l’impulsion de Georges Henri Rivière (1897-1985), alors directeur du Musée des arts et traditions populaires à Paris, que le musée Gadagne est désigné pour accueillir un musée spécialisé sur la marionnette.

L’un des fichiers audio à écouter le long du parcours dans le MAM. / MURIEL CHAULET

Pour ce faire, sa petite collection réunie autour du Guignol lyonnais est enrichie avec celle du Musée de l’homme et des arts et traditions populaires. A la même époque, le collectionneur et juriste Léopold Dor fait don de son exceptionnelle collection au musée Gadagne. Ce dernier devient ainsi en 1950 l’unique « Musée de France » consacré aux arts de la marionnette, avec un fonds de plus de 2 000 marionnettes, costumes, décors, manuscrits, affiches et castelets. Il inaugure alors plusieurs salles d’exposition regroupées sous le nom de « Musée international de la marionnette ».

Puis, il faut attendre 1998 pour qu’un important chantier de rénovation (achevé en 2009) de l’hôtel de Gadagne permette de réagencer les salles des deux musées, celui des marionnettes et celui de l’histoire de la ville. Mais, comme l’explique Xavier de la Selle, le parcours de l’époque (sur dix salles) reste très traditionnel et linéaire, il se contente d’exposer dans des vitrines les Guignols et les autres marionnettes regroupées par grandes zones géographiques.

L’une des créatures insolites qui peuplent le Turak Théâtre de Michel Laubu et Emili Hufnagel, exposée au Musée des arts de la marionnette (MAM) à Lyon. / MURIEL CHAULET

D’où la nécessité qui s’est fait ressentir en 2015 de repenser entièrement le parcours muséographique permanent, notamment en se demandant « comment relever le défi de parler au mieux d’un art vivant comme la marionnette ». L’équipe du musée s’est entourée, pour cela de plusieurs artistes (Pierre Blaise, Gabriel Hermand-Priquet et Virginie Schell, François Lazaro, Michel Laubu, dont la compagnie, le Turak Théâtre, est implantée à Lyon, Camille Trouvé, Emma Utgès, entre autres), de spécialistes en études théâtrales et arts de la marionnette, de scénographes (Le Muséophone et Inclusit Design), d’organismes comme l’Institut international de la marionnette à Charleville-Mézières (Ardennes). Cette refonte s’est opérée en deux phases : la réouverture en avril 2017 des trois premières salles du nouveau parcours puis l’inauguration de la totalité des salles en novembre 2018.

Le résultat de cette refonte est plutôt réussi : en dix salles sur une superficie totale de 500 m², le visiteur est embarqué dans un parcours interactif et ludique qui repose sur une série d’interrogations autour de la marionnette abordée comme un art vivant en perpétuelle mutation. Et si le Guignol des origines est présent en fil rouge à travers une série de vitrines exposées sur un mur de chacune des salles, il ne constitue qu’une petite partie des 300 pièces (marionnettes, décors, affiches et répertoires) présentées, soit issues de la collection propre du musée, soit prêtées par d’autres institutions comme le Musée du quai Branly-Jacques Chirac, le Musée du Louvre, le MuCEM, le Musée des Confluences, le département des arts et spectacles de la Bibliothèque nationale de France (BNF), ou par des compagnies artistiques.

Les vitrines classiques sont remplacées par des « filtrines » plus contemporaines. / MURIEL CHAULET

Des « filtrines » à la place des vitrines

A la qualité et à la diversité des objets exposés s’ajoute une volonté de permettre au visiteur de toucher, voire de manipuler, certaines marionnettes, tout en respectant l’intégrité de ces œuvres. A la place des vitrines sont ainsi parfois utilisées des « filtrines » qui permettent de mieux voir les marionnettes sans la séparation de la paroi vitrée, et aussi des systèmes de voilage transparent. De même, l’avant-dernière salle est conçue comme un grand castelet modulable dans lequel chaque visiteur peut choisir l’une des marionnettes mises à disposition et la manipuler devant ses amis ou sa famille en guise de spectateurs.

Le MAM a aussi voulu mettre l’accent sur des documents audio et vidéo qui rythment le parcours, avec notamment des témoignages inédits d’artistes contemporains enregistrés spécialement pour le musée, dans l’idée de constituer à terme une collection de portraits vidéo.

« L’un de nos objectifs est de permettre à nos visiteurs de découvrir, notamment en famille, la marionnette comme un art vivant, sous ses multiples facettes », souligne Brigitte Sanvoisin. Et elles sont particulièrement nombreuses : objet ludique ou de marketing, outil pédagogique ou de propagande, instrument parodique ou politique, la marionnette est loin de n’être qu’un simple divertissement pour les enfants.

07 INCERTAIN MONSIEUR TOKBAR
Durée : 01:43

Musée des arts de la marionnette (MAM). Musées Gadagne. 1, place du petit Collège, Lyon (Rhône). Ouvert du mercredi au dimanche de 10 h 30 à 18 h 30. www.gadagne.musees.lyon.fr

Le Turak Théâtre à l’honneur aux Célestins

Si avec Guignol, Lyon a vu naître, au début du XIXe siècle, l’une des plus célèbres marionnettes au monde, elle héberge aujourd’hui une compagnie reconnue au niveau national et international, le Turak Théâtre, fondé en 1985 par Michel Laubu, qui le codirige depuis quelques années avec Emili Hufnagel. Hasard du calendrier : quelques jours après la réouverture du Musée des arts de la marionnette qui offre une place de choix à ses créatures insolites, le Théâtre des Célestins a programmé six représentations de sa dernière création, Incertain Monsieur Tokbar, du 27 novembre au 1er décembre. L’occasion pour les Lyonnais et les visiteurs de passage de prolonger la visite du MAM dans la soirée par une illustration très concrète et réussie de la créativité à l’œuvre dans les arts de la marionnette à l’heure actuelle.