Après le Mondial 2007, Allison Pineau va disputer sa seconde compétition à domicile. / PATRIK STOLLARZ / AFP

A quoi tient un destin ? A un entraîneur qui vous dit : « Tu devrais venir t’entraîner avec nous, tu as de grandes mains pour attraper la balle. » A un retour de blessure défiant l’entendement. Au moment d’affronter la Russie en match d’ouverture de l’Euro féminin de handball, jeudi 29 novembre (21 heures, sur BeIN Sports 1), Allison Pineau refera peut-être défiler son parcours jusqu’au palais des sports Jean-Weille de Nancy.

L’an passé, la Française était le « joker qui ne devait pas être là ». Après une rupture ligamentaire de la cheville, elle avait effectué une « rééducation à la Rocky Balboa » à Tignes pour être apte à disputer le Mondial. Opérée en juillet, elle n’était censée retrouver les terrains qu’à la fin de décembre (après la fin de la compétition). Dans le meilleur des cas.

Mais, revenue de l’enfer, elle avait surgi de sa boîte dans les ultimes minutes de la demi-finale et de la finale, inscrivant deux buts à chaque fois pour assurer à la France sa deuxième étoile. Après trois finales perdues – Mondiaux de 2009 et 2011, Jeux olympiques de 2016 –, « on s’était promises de ne rien lâcher, et surtout de garder notre lucidité lors des moments-clés, se remémore la joueuse, en amont de l’Euro. Pour ne plus avoir de regrets ».

« Chance et privilège » de disputer l’Euro à domicile

Cette année, nul souci physique pour la demi-centre, leader de l’escouade française. A 29 ans, Allison Pineau est à maturité. De quoi augurer d’un Euro grand cru pour la native de Chartres. D’autant que la compétition est à domicile. Jouer à la maison, pour celle qui a roulé sa bosse un peu partout, est « une chance et un privilège ».

Ayant étrenné ses premières capes bleues lors du Mondial 2007 – déjà en France –, Allison Pineau savoure. « Il y a des joueuses qui font quinze à vingt ans de carrière et qui n’ont pas cette chance de vivre une compétition à la maison. Nous, on en a une deuxième. »

« Petite dernière » de 18 printemps à l’époque, dans un groupe en fin de course formé par les championnes du monde 2003, la joueuse a depuis mené sa barque jusqu’à Brest, dont elle défend les couleurs depuis deux ans.

Gamine tombée presque par hasard dans le handball – une histoire de taille de mains – la jeune femme est aujourd’hui l’une des taulières de l’équipe de France. Une « titulaire indispensable » que le coach français, Olivier Krumbholz, est assuré d’aligner « à moins qu’elle ne joue à cloche-pied, et encore. »

A la barre du navire bleu, Allison Pineau a fait de beaux voyages. « C’est la plus grande voyageuse de l’équipe de France, dit en souriant Krumbholz. Je ne sais pas s’il y a un endroit où elle n’a pas encore été. »

Sa carrière l’a menée des confins de la Roumanie à la Macédoine en passant par la capitale slovène, Ljubjana. Et quand elle en a le loisir, elle part « découvrir d’autres cultures, ça me permet de m’évader ».

Mais elle est rentrée vivre en France et préparer activement sa reconversion future, à l’instar de nombre des plus anciennes Bleues, revenues dans cette optique dans un championnat de France mieux structuré.

Touche à tout, celle qui a été championne de France UNSS de ping-pong à 12 ans suit, en parallèle de sa saison à Brest, une formation à l’Edhec Business School, spécialité finance.

Une joueuse « maniaque de statistiques »

Son avenir, Philippe Bana le visualise sans peine. Pour le directeur technique national, grand maître d’œuvre du handball hexagonal, la « maniaque de statistiques » Allison Pineau « joue au handball manager toute la journée dans sa tête ».

A l’instar d’un Thierry Omeyer chez les hommes, « elle connaît toutes les stats et, comme lui, c’est une rare joueuse à faire les classements avant moi, relate le DTN. Elle te dit de suite “ne calcule pas Philippe, ça va être plus deux, mais dans la poule à côté, ils auront fait plus quatre, donc les autres, ils vont passer”. » 

Une approche que la meilleure joueuse de la planète en 2009 n’a pas développé sur le tard. En parallèle de sa carrière, Allison Pineau a managé voici quelques années le club de seconde division Stella Saint-Maur (Val-de-Marne), y faisant ses classes avant de s’en extirper, en désaccord avec la direction sur la marche à suivre. « C’est son état d’esprit depuis toujours », insiste Philippe Bana.

Une intellectualisation du handball qui se traduit sur le terrain. A l’instar d’une joueuse d’échecs, la demi-centre des Bleues aime prendre la direction des opérations. « Toi, tu te mets là, et si tu vas là, je vais ici ! » Depuis que les « Femmes de défis » – nom officiel de l’équipe – le retour aux affaires d’Olivier Krumbholz (à la fin de 2015), les joueuses sont coresponsables de certaines phases tactiques.

« Comme Omeyer, comme [Nikola] Karabatic, “Alli” est une technicienne. Ils adorent décortiquer leur sport sur le tableau magnétique », relève Philippe Bana.

En dépit du titre mondial, Allison Pineau admet sans peine que l’équipe demeure dans l’ombre des surpuissants Experts. « Leur palmarès veut ça, souligne-t-elle. Ils ont porté notre sport pendant des années, ils ont été champions du monde avant nous, ils ont eu une médaille olympique avant nous… »

Mais la joueuse brestoise sent un frémissement, un vent se lever autour du handball féminin. Désormais – depuis aussi qu’elle a pris part à une campagne de publicité au côté de Nikola Karabatic – les gens viennent la trouver dans la rue.

« A nous de pérenniser ces résultats, notamment par un Euro réussi. » Une réussite qui se traduirait par un premier sacre européen, dimanche 16 décembre à Bercy. « On va la voir surinvestie, prévient Philippe Bana. Parce que cet Euro, c’est son Graal. »