Devant l’ambassade d’Arabie saoudite en Argentine, à Buenos Aires, le 28 novembre 2018. / Natacha Pisarenko / AP

Au sommet du G20, qui s’ouvre vendredi 30 novembre à Buenos Aires, en Argentine, les interactions de Mohammed Ben Salman, surnommé « MBS », avec les dirigeants des principales puissances économiques du globe seront scrutées de près par les médias. Objet d’attraction ces trois dernières années, le prince héritier saoudien, homme-orchestre du royaume, fait face depuis l’affaire Khashoggi à un mouvement de réprobation internationale.

En dépit des dénégations de Riyad, l’opinion selon laquelle l’assassinat de l’éditorialiste du Washington Post, le 2 octobre dans le consulat saoudien d’Istanbul, n’aurait pu être mené sans son feu vert, prédomine dans les pays occidentaux.

En choisissant d’inclure la capitale argentine dans sa tournée à l’étranger, qui a commencé par des escales dans des pays arabes, le fils du roi Salman entend projeter une image de confiance et démontrer que son crédit sur la scène diplomatique reste fort.

Ce faisant, le jeune dauphin prend un risque. Les manifestations hostiles que son escale en Tunisie a suscitées, après trois arrêts sans souci chez ses alliés des Emirats arabes unis, du Bahreïn et de l’Egypte, pourraient constituer un avant-goût de ce qui l’attend sur les rives du Rio de la Plata.

« La question est de savoir qui, parmi les dirigeants mondiaux, acceptera de se montrer avec lui publiquement, a déclaré à l’AFP H. A. Hellyer, analyste à l’Atlantic Council, un cercle de réflexion basé à Washington. Je pense que ses apparitions seront soigneusement mises en scène pour éviter l’embarras. »

Immunité diplomatique

Mohammed Ben Salman n’a rien à craindre a priori de Donald Trump. En dépit des pressions du Sénat américain, qui a donné son feu vert, mercredi 28 novembre, à un débat sur l’arrêt du soutien des Etats-Unis à l’intervention militaire saoudienne au Yémen, le président se refuse à sanctionner son principal allié au Proche-Orient.

Le président russe, Vladimir Poutine, qui s’est abstenu de critiquer Riyad, et qui est lui-même accusé d’avoir ordonné des opérations de liquidation de dissidents à l’étranger, ne devrait pas non plus battre froid le prince héritier.

Mais il est probable que les dirigeants européens et du Canada, après les inévitables photos de groupe, éviteront d’être vus en sa compagnie. Pour une poignée de main avec « MBS », au grand prix de F1 d’Abou Dhabi, dimanche 25 novembre, l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos s’est attiré les foudres de la presse madrilène.

L’enjeu principal, pour le prince Mohammed, sera d’obtenir l’entrevue, qu’il a officiellement sollicitée, avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Une photo avec l’homme fort d’Ankara, sans l’aval duquel la presse turque n’aurait jamais révélé ce qui s’est passé dans le consulat d’Istanbul et qui a récemment affirmé que l’assassinat de Jamal Khashoggi a été ordonné au « plus haut niveau » de la couronne saoudienne, pourrait aider « MBS » à clore cette affaire.

Le quasi-régent de Riyad devra aussi garder un œil sur la justice argentine, à laquelle l’ONG Human Rights Watch a demandé d’enquêter sur sa « possible complicité » dans le meurtre du 2 octobre et les carnages perpétrés par l’aviation saoudienne au Yémen. L’immunité diplomatique dont il jouit le préserve a priori de tout risque d’arrestation. La Convention sur les missions spéciales de 1969, qui avait empêché l’arrestation du dictateur chilien Augusto Pinochet lors d’une visite en Argentine en 1998, le protège également.

Le prince a d’ailleurs atterri mercredi à Buenos Aires, avant tous les autres invités du G20, à la tête d’une délégation de 400 personnes. depuis, il vit enfermé dans l’ambassade d’Arabie saoudite, une luxueuse résidence privée du XIXe siècle transformée en bunker.