Blick Bassy sera en concert à La Cigale à Paris, le 15 avril 2019. / LA CIGALE

Le festival nomade Africolor, dont la 30e édition essaime ses propositions sur vingt villes d’Ile-de-France jusqu’au 22 décembre, propose régulièrement des créations consacrées à des événements ayant marqué l’histoire du continent africain. Le 1er décembre, au Centre Barbara Fleury-Goutte d’Or, à Paris, le chanteur Blick Bassy, né au Cameroun en 1974, installé en France depuis 2005, fera œuvre de pédagogie avec Cameroun 1958. Il contera et chantera l’histoire de Ruben Um Nyobè, héros de la lutte pour l’indépendance du Cameroun (que le pays obtiendra en 1960), dirigeant de l’UPC (Union des populations du Cameroun), abattu par l’armée française, le 13 septembre 1958, dans la forêt où il se cachait.

A l’époque, celle-ci menait une répression féroce avec ses alliés locaux contre son mouvement de résistance. « Quand j’étais au lycée à Yaoundé, on nous en parlait comme de maquisards terroristes qui assassinaient des gens et semaient la zizanie dans le pays, se souvient Blick Bassy. Plus tard, j’ai recueilli quelques bribes de la vérité en posant des questions à ma mère. » Elle était avec sa famille originaire d’un village proche de celui de Nyobè, et lui a raconté les deux années de son enfance passées cachée dans la forêt avec son grand-père pour fuir la répression et la torture que subissaient tous ceux susceptibles de connaître le rebelle.

« Un vrai visionnaire »

En mûrissant, Blick Bassy a pris conscience de « l’importance de se reconnecter avec son histoire pour s’émanciper » : il a décidé de s’intéresser à cet épisode, déformé ou occulté par la France autant que par le Cameroun selon lui. Il est le fil conducteur de Cameroun – 1958, présenté à Africolor, « une sorte de talking gig, de conversation musicale pour laquelle nous serons assis au milieu du public et non pas sur scène ». Le musicien contera et chantera la mémoire et l’histoire de Um Nyobè, « qui, au-delà de son combat, était un vrai visionnaire, parlait des choses que nous vivons terriblement aujourd’hui, comme le tribalisme au Cameroun ».

Cameroun – 1958 préfigure la sortie en mars 2019 du nouvel album de Blick Bassy (chez Tôt ou tard, avec Nø Førmat!), hanté par l’ombre de son héros, puisque la majorité des titres y font référence. Le chanteur le présentera ensuite en tournée dont un concert à La Cigale à Paris, le 15 avril. Pour la création à Africolor, le musicien sera entouré de Binda Ngazolo – « un conteur juste incroyable ! » –, d’Alexis Anerilles (claviers, trompette), d’Edwin Dharil Denguemo (cajon) et de Johan Blanc (trombone).

Krotal, le rappeur camerounais que Blick Bassy a convié, a obtenu son visa « in extremis »

Krotal, le rappeur camerounais que Blick Bassy avait également convié, a failli manquer à l’appel. Il s’est vu opposer deux refus successifs de visa, non motivés. Et ce « malgré l’obligation qu’ont les consulats français de remplir un vague formulaire notifiant la raison du refus » s’insurgeait, le 28 novembre, Sébastien Lagrave, directeur d’Africolor. Le lendemain après-midi, in extremis, une bonne nouvelle : Krotal vient d’obtenir son visa. « La mobilisation de tous a payé. Même si cela a des répercussions financières sur le festival, car le billet initial est perdu », soulignent les organisateurs.

Blick Bassy - Ndjèl (Clip officiel)
Durée : 03:29

« Cameroun – 1958 », de Blick Bassy, le 1er décembre à 20 h 30, FGO-Barbara, Paris 18e. Présenté dans le cadre d’un focus Cameroun, à Paris et Aubervilliers, les 1er et 2 décembre, au festival Africolor.