Dans sa première expression publique depuis la mise en examen, jeudi, de l’administrateur du Sénat Benoît Quennedey, soupçonné d’intelligence avec la Corée du Nord, un de ses avocats dénonce, vendredi 30 novembre, la faiblesse de son point de vue des éléments concrets avancés contre son client au regard de la lourdeur des charges qui ont été retenues.

« J’ai beaucoup de questionnements sur la qualification des faits. S’il existait vraiment des pièces accablantes, on les lui aurait présentées durant ses quatre-vingt-seize heures de garde à vue. Nous n’avons rien vu de cela », déclare au Monde Alexandre Balguy-Gallois.

M. Quennedey, 42 ans, président de l’Association de l’amitié franco-coréenne, qui défend un rapprochement de Paris et de Pyongyang et une inflexion de la politique française, dont la levée des sanctions envers la Corée du Nord, a été mis en examen jeudi en fin de journée des chefs de trahison par « livraison d’informations à une puissance étrangère, recueil en vue de livraison d’informations à une puissance étrangère, intelligence avec une puissance étrangère ».

« J’attends des éléments »

Il a passé quatre jours en garde à vue au siège de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Il a notamment été entendu longuement par les enquêteurs mercredi. Selon sa défense, il a principalement été interrogé sur ses interactions avec la délégation nord-coréenne en France.

Selon son avocat, les enquêteurs se sont par exemple enquis de ses échanges avec les diplomates nord-coréens après des élections parlementaires. Sa défense assure qu’il n’a dans ces échanges évoqué que des informations sur leur résultat disponibles dans tous les journaux.

« J’attends les éléments qui prouveraient qu’il y a intelligence avec une puissance étrangère. A l’issue des quatre-vingt-seize heures de garde à vue, de ses nombreuses auditions, je ne vois rien qui relève de cette qualification », dit Me Balguy-Gallois.

Les positions particulièrement bienveillantes de M. Quennedey envers Pyongyang étaient bien connues au Sénat. Nombre de ses interlocuteurs s’étonnaient de son manque de recul sur le système répressif nord-coréen et son lobbying public était dénoncé par certains sénateurs comme un manquement au devoir de réserve.

Mais sa défense constate que les activités de l’association qu’il préside étaient détaillées sur le site de celle-ci, notamment les échanges avec la délégation nord-coréenne à Paris, représentation diplomatique faute de relations formelles entre les deux Etats. Et défend sa liberté d’opinion : « Avoir une opinion divergente sur la Corée est une chose, la trahison en est une autre », dit encore l’avocat.

Traitement médiatique inhabituel

La façon dont l’interpellation de Benoît Quennedey a été rendue publique et son nom divulgué dans les médias est peu habituelle. Ces affaires d’espionnage sont rarement judiciarisées, et quand elles le sont, c’est d’ordinaire de façon extrêmement discrète.

Sa défense dénonce le traitement médiatique de l’affaire. Le placement en garde à vue de M. Quennedey a été révélé lundi soir par l’émission « Quotidien ». « Ce qui est scandaleux, ce sont à la fois les fuites et le traitement extrêmement dénigrant de M. Quennedey, déclare son avocat. C’est une atteinte à sa réputation et un moment très douloureux pour lui et ses proches. Nous verrons les suites à donner à cela d’un point de vue juridique. »

L’avocat de Benoît Quennedey assure qu’il n’avait pas, étant affecté à la direction de l’architecture, du patrimoine et des jardins au Palais du Luxembourg, accès à des informations sensibles. « Qu’on nous dise ce qu’il aurait récolté et comment. Il n’a pas accès à des documents sensibles. On ne nous a rien montré qui constituerait un document sensible que mon client aurait transmis », dit l’avocat.

M. Quennedey a été placé sous contrôle judiciaire, assorti notamment de l’interdiction de quitter le territoire, d’interdictions de contacts et de l’interdiction d’exercer sa profession.