Bruno Le Maire (à gauche) et Hiroshige Seko, à Paris le 22 novembre. Des divergences sérieuses sont apparues à propos de la gouvernance de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi entre le ministre français de l’économie et son homologue japonais. / ERIC PIERMONT / AFP

Une nouvelle phase est en train de s’ouvrir dans l’affaire Ghosn. Alors que la garde à vue de l’ex-président de Nissan a été prolongée de dix jours supplémentaires, vendredi 30 novembre, sur décision d’un juge du tribunal de Tokyo, les gouvernements français et japonais sont en train de s’emparer du sujet. Le puissant patron, qui a été révoqué de Nissan et Mitsubishi Motors, mais reste PDG de Renault, est en détention provisoire depuis le 19 novembre, visé par une enquête sur des dissimulations de revenus.

Selon la presse nippone, Emmanuel Macron a demandé une entrevue au premier ministre japonais Shinzo Abe, en marge du G20 à Buenos Aires, en Argentine, afin d’évoquer la situation de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, dans la tourmente depuis l’arrestation de son fondateur.

L’Elysée a confirmé qu’une rencontre bilatérale devrait bien se tenir vendredi à midi, heure de Buenos Aires, entre MM. Macron et Abe, sans en préciser l’ordre du jour. Nul doute que le cas Ghosn sera évoqué. Selon le quotidien japonais Mainichi Shinbun, des divergences sérieuses sont apparues entre Bruno Le Maire, ministre français de l’économie et son homologue japonais Hiroshige Seko, à propos de la gouvernance de l’Alliance.

« La priorité c’est de gérer les projets en cours »

Ce dernier aurait envoyé une lettre de protestation à Paris après les déclarations de Bruno Le Maire sur LCI, mardi 27 novembre, expliquant que « le directeur général de Renault doit rester le président de l’Alliance », et que M. Seko et lui-même étaient convenus qu’il était préférable de maintenir la structure capitalistique actuelle. Or, la partie japonaise a nié avoir donné un tel accord. Contacté, le ministère de l’économie n’a pas souhaité commenter.

Dans ce contexte tourmenté, les trois entreprises ont malgré tout dû continuer à faire avancer leurs nombreux « business » communs. Une réunion de l’Alliance s’est tenue, le 22 novembre, à Amsterdam (Pays-Bas), siège de la coentreprise Renault-Nissan BV, sous l’œil des patrons de Nissan, Hiroto Saikawa, de Mitsubishi, Osamu Masuko, et de Thierry Bolloré, directeur général délégué de Renault exerçant la direction exécutive intérimaire du constructeur français en l’absence de Carlos Ghosn.

La réunion de moins d’une heure et à laquelle les trois hauts dirigeants assistaient par vidéoconférence a surtout constitué à faire passer le message d’une coopération qui va de l’avant malgré les circonstances. Renault et Nissan ont « réitéré avec force » leur engagement l’un envers l’autre, a indiqué lors d’un point de presse à Tokyo M. Masuko à l’issue de la réunion. « Les discussions ont essentiellement porté sur les questions opérationnelles, confirme-t-on chez Renault. La priorité c’est de gérer les projets en cours de s’assurer que les lancements prévus se font normalement. »

Gouvernance conjointe

Les sujets qui pourraient fâcher concernant la gouvernance commune ont été soigneusement évités. Il a été en particulier décidé de ne pas désigner de numéro un, Carlos Ghosn restant toujours formellement le PDG de l’Alliance. Un processus de décision collégial a été déterminé. Il consistera en une gouvernance conjointe sous la houlette des ­directeurs généraux des trois constructeurs automobiles qui sont convenus de se rencontrer plus souvent, par exemple en marge des salons automobiles internationaux.

« Nous avons confirmé que nous dirigerions l’Alliance à trois », a déclaré M. Saikawa aux journalistes japonais. Depuis l’arrestation de son ancien mentor, le nouvel homme fort de Nissan a dénoncé la concentration des pouvoirs entre les mains de M. Ghosn. Son homologue de Mitsubishi a tenu le même discours : « Jusqu’à présent, une seule personne était aux commandes. Maintenant, nous sommes trois à travailler ensemble. C’est une grosse différence. »

C’est sur ce point – qui a le pouvoir dans l’Alliance – que réside au fond la divergence entre Tokyo et Paris. Les Japonais veulent absolument un rééquilibrage en soulignant le poids économique de la partie japonaise (Nissan + Mitsubishi) dans le partenariat. Les Français ne voient pas pourquoi il faudrait toucher au statu-quo, rappelant au passage qu’ils sont les actionnaires majoritaires de Nissan et à ce titre les décideurs ultimes.

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