Drone Parrot. / Parrot Brand Studio / Getty Images

« Il fallait faire quelque chose ». Chez Parrot, la rapidité de la décision du président-fondateur, Henri Seydoux, de monter au capital de la société en pleine déroute après l’annonce d’un troisième trimestre catastrophique n’a pas apaisé les inquiétudes qui règnent autour de l’avenir de cette pépite de la Tech. Au moins, l’offre publique d’achat lancée par son dirigeant patron historique aura-t-elle eu le mérite de signifier que ses dirigeants ne restent pas inertes.

Réuni vendredi 30 novembre, le conseil d’adminstration du numéro un européen des drones de loisir a pris acte de cette opération déclenchée au lendemain d’un spectaculaire plongeon de l’action. Il a décidé à l’unanimité de constituer un comité ad-hoc constitué de quatre membres indépendants du conseil d’administration, parmi lesquels Geoffroy Roux de Bézieux, par ailleurs président du Medef. Ce comité sera chargé de recommander un expert indépendant « chargé d’établir un rapport sur les conditions financières du projet » mais aussi de « formuler une recommandation », sans doute courant janvier.

Après la publication, le 22 novembre, des résultats faisant état de 51,8 millions d’euros de pertes nettes pour un chiffre d’affaires en recul de 40 %, à 23,4 millions euros, l’action Parrot s’est effondrée, sombrant jusqu’à un plancher jamais vu de 1,58 euro. Cinq jours plus tard, Henri Seydoux a fait savoir que la holding Horizon, qu’il contrôle intégralement avec sa famille, avait passé un accord avec un actionnaire – dont l’identité n’a pas été communiquée – détenteur de 9,59 % du capital. Prix proposé : 3,20 euros l’action alors que ces derniers jours, il végétait autour de 1,75 euro. Déjà actionnaire de 36,10 % du capital de Parrot, Horizon porterait ainsi sa participation à un seuil majoritaire, ce qui l’oblige à lancer une OPA.

Celle-ci propose une porte de sortie aux actionnaires minoritaires, y compris petits porteurs, à un cours supérieur aux niveaux atteints ces derniers mois mais bien inférieur à ce qu’il était du temps de la splendeur de l’action Parrot. Celle-ci a vu sa valeur fondre d’un tiers en un an et être divisée par deux en trois ans. Pour ceux qui ont cru aux chances de Parrot, la pilule est amère. En 2015, le spécialiste des drones de loisirs avait procédé avec succès à une levée de fonds de 300 millions d’euros à laquelle avait notamment souscrit à hauteur de 33 millions d’euros la BPI (Banque publique d’investissement), qui détient aujourd’hui 5,1 % du capital.

Les pertes sur 2018 devraient s’établir à 100 millions d’euros

En lançant une OPA qui lui permettrait de contrôler une partie plus importante voire la quasi-totalité du capital, Henri Seydoux cherche à limiter les dégâts provoqués par l’onde de choc consécutive à la dégradation – perceptible depuis la fin 2016 – des comptes de Parrot. Le fondateur de l’entreprise, créée en 1994 pour vendre des équipements connectés (kits mains libres, « infotainment ») pour l’industrie automobile, a fait savoir qu’il entendait maintenir la société en Bourse. L’été dernier, présentant son nouveau drone Anafi, il s’était donné deux ans pour rétablir la situation, soulignant que dans le domaine de la tech, il n’est pas surprenant de connaître des coups d’arrêts, suivis d’un rebond.

Les perspectives, cependant, sont incertaines. Les pertes sur 2018 devraient s’établir à 100 millions d’euros et le marché des drones de loisirs ne donne aucun signe de reprise à court terme, en particulier aux Etats-Unis où la marque française fondait de gros espoirs. Restent les ventes de drones (mais aussi de services associés) aux professionnels, un domaine en devenir sur lequel Parrot et ses filiales suisses ne réalisent encore qu’un chiffre d’affaires limité.

La société contrôlée par la famille Seydoux qui a cédé il y a quelques mois à l’équipementier Faurecia ses dernières activités dans l’industrie automobile peut encore compter sur des réserves de trésorerie (171 millions d’euro fin septembre). Un plan d’action, prévoyant entre autres une centaine de suppressions d’emplois sur un total de 620, doit être lancé afin avec l’objectif de conserver 100 millions de cash fin 2019. « Soit Henri Seydoux croit pouvoir redresser la barre, soit il faut se résoudre à céder l’entreprise avant qu’il ne soit trop tard. Mais à quel prix ? », s’interroge un analyste financier.