Joon avait été lancée par Jean-Marc Janaillac, ancien patron d’Air France, pour rentabiliser les lignes déficitaires de la compagnie. / TIZIANA FABI / AFP

C’est la bouteille à l’encre autour du sort réservé à Joon, la filiale mi-low cost mi-compagnie classique d’Air France. Annoncé, jeudi 29 novembre par le Figaro, l’arrêt de Joon a été nié, vendredi 30 novembre, par Air France. Par un communiqué de deux phrases, Air France a tenu à démentir « les informations selon lesquelles il aurait été décidé d’arrêter l’activité de la compagnie Joon ».

Selon nos sources, la situation de la filiale devrait pourtant évoluer à court terme. Benjamin Smith, directeur général d’Air France-KLM et aussi patron d’Air France a annoncé, jeudi, au cours d’une réunion, des changements à venir pour Joon. En interne, il est de notoriété publique que M. Smith n’est pas, loin s’en faut, un fan du nom de la compagnie. Il la verrait comme « une verrue », plaide un administrateur. Il trouverait le nom trop éloigné d’Air France, confie un cadre de la compagnie.

En pratique, le patron n’apprécie pas la multiplication des marques au sein du groupe. Autour du navire amiral Air France gravitent désormais Transavia, Hop ! Air France et Joon. C’est beaucoup trop pour le Canadien, qui plaiderait « pour une simplification des marques ». In fine, Hop !, la marque ombrelle qui réunit les anciennes compagnies Airlinair, Brit Air et Regional, et Joon devraient disparaître.

Hésitations de la direction

Le futur de cette dernière n’est pas encore fixé. Elle avait été lancée par son prédécesseur, Jean-Marc Janaillac, pour rentabiliser les lignes déficitaires d’Air France. A l’époque, ce sont les personnels navigants commerciaux (PNC), les hôtesses et les stewards, qui avaient servi de variables d’ajustement. Joon, filiale d’Air France, peut recruter des PNC avec des contrats bien moins intéressants que ceux proposés par sa maison mère. A l’heure, une hôtesse de Joon coûte 40 % moins cher qu’un PNC d’Air France. Une aubaine pour la compagnie, qui s’était fixée de parvenir à des coûts de fonctionnement inférieurs de 14 % à 18 % à ceux d’Air France. La méthode a porté ses fruits. « Joon rapporte beaucoup d’argent sur les routes sur lesquelles elle a été lancée », indique-t-on chez Air France. Ce succès explique les hésitations de la direction à mettre un terme brutal à Joon. De plus, la compagnie continue à recruter des PNC pour assurer son développement. Les 500 hôtesses et stewards seront bientôt 700.

Outre son poids économique, Joon pourrait aussi jouer un rôle dans les négociations catégorielles menées par la direction avec les représentants syndicaux des PNC d’Air France. Ces derniers n’avaient pas apprécié le lancement de cette compagnie hybride qui réduisait le périmètre d’activité d’Air France et donc les perspectives d’évolution de ses hôtesses et stewards. Pour parvenir à un accord avec les syndicats, M. Smith pourrait proposer d’en finir avec Joon. Plusieurs hypothèses sont sur la table. L’une d’elles verrait Joon retourner dans le giron d’Air France mais elle coûterait cher car la compagnie ne pourrait pas faire cohabiter des personnels embauchés avec des contrats différents. Un autre scénario, moins onéreux, inviterait à reverser Joon dans Transavia, la filiale low cost d’Air France. Rien n’est encore tranché.

« Tout le monde espère qu’il détruit pour tout reconstruire »

Avec la remise en cause de Joon, « Benjamin Smith solde l’époque [Jean-Marc] Janaillac », pointe Philippe Evain, président du syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Nommé en août à la tête d’Air France-KLM, le Canadien, ex-numéro deux d’Air Canada, n’aura pas tardé à faire le ménage. A peine arrivé, il a fait partir deux des figures emblématiques décriées du temps de son prédécesseur. Coup sur coup, il a ainsi débarqué, à la rentrée, Franck Terner et Gilles Gateau, respectivement directeur général et directeur des ressources humaines d’Air France. « Tout le monde espère qu’il détruit pour tout reconstruire », indique M. Evain. Toutefois, « nous attendons encore qu’il présente son projet », regrette le président du SNPL.

S’il n’a pas encore détaillé son plan de développement d’Air France, M. Smith a déjà posé sa marque sur la compagnie. Il a décidé de réduire progressivement de moitié la flotte d’A380, pourtant le navire amiral de la compagnie et l’avion préféré des passagers du monde entier. Les pilotes redoutent d’autres décisions de cette nature. Ils craignent que leur nouveau patron décide une rationalisation des flottes d’Air France et de KLM. Dans cette optique, les futurs A350 commandés chez Airbus seraient réservés à Air France tandis que les long-courriers 787 de Boeing iraient chez KLM. Une manière pour la compagnie franco-néerlandaise de faire des économies dans la gestion de ses appareils et de ses équipages.