Le sénateur Patrick Kanner à la sortie de Matignon, lundi 3 décembre 2018. / STÉPHANE MAHÉ / REUTERS

L’exécutif a lancé lundi 3 décembre une grande consultation politique, préalable à l’annonce de nouvelles « mesures » pour tenter d’apaiser la crise des « gilets jaunes ». Rentré dimanche d’Argentine, le président Emmanuel Macron ne s’est pas exprimé après être venu constater les dégâts impressionnants à l’Arc de triomphe et sur l’avenue Kléber. Le premier ministre, Edouard Philippe, est à la manœuvre.

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  • Edouard Philippe reçoit les responsables de parti

Anne Hidalgo, la maire de Paris, a été à 8 h 30 la première personnalité politique reçue par le premier ministre. « Je suis venue porter la parole des Parisiennes et des Parisiens qui ont été choqués de voir leur ville dans cet état », a déclaré à sa sortie de Matignon Mme Hidalgo. Elle a assuré avoir eu « des garanties du premier ministre » pour que « les élus de la Ville de Paris soient plus impliqués » dans la préparation de la sécurité pour la semaine à venir.

Après Anne Hidalgo seront entre autres reçus Nicolas Dupont-Aignan (DLF), Olivier Faure (PS), Benoît Hamon (Génération·s), Jean-Christophe Lagarde (UDI), Marine Le Pen (RN), Florian Philippot (Patriotes) ou encore Laurent Wauquiez (LR).

Jean-Luc Mélenchon (LFI) passe son tour, mais une délégation de La France insoumise se rendra à Matignon. Le MoDem de François Bayrou, qui a pris quelque distance avec la fermeté affichée par l’exécutif, sera représenté par sa vice-présidente, Marielle de Sarnez.

Edouard Philippe annoncera de nouvelles « mesures » après les consultations qu’il mène cette semaine afin de « permettre le déroulement serein » de la concertation de trois mois voulue par l’exécutif, a annoncé Matignon lundi. Après les chefs de partis représentés au Parlement, le premier ministre recevra mardi après-midi un collectif de « gilets jaunes » prêt à discuter avec l’exécutif, a annoncé Matignon dans un communiqué.

Le gouvernement annonce également un débat à l’Assemblée nationale mercredi et au Sénat jeudi, en vertu de l’article 50-1 de la Constitution, c’est-à-dire sans engager sa responsabilité. Matignon n’a pas précisé dans l’immédiat si ce débat donnerait lieu ou non à un vote.

  • 139 suspects présentés à la justice

Deux jours après les violences à Paris dans le sillage des « gilets jaunes », 139 suspects majeurs ont été présentés à ce stade à la justice tandis que 111 ont vu leur garde à vue prolongée, a annoncé lundi 3 décembre le parquet de Paris.

Sur les 378 personnes qui ont été placées en garde à vue, dont 33 mineurs, 81 procédures visant des majeurs ont été classées sans suite. Parmi les personnes déférées, un certain nombre seront jugées lundi et mardi lors d’audiences en comparution immédiate au tribunal de Paris, dont le nombre a été doublé.

Les prévenus devront répondre des chefs d’« actes de violence sur personne dépositaire de l’autorité publique », « dégradations sur des biens destinés à l’utilité publique », « regroupements en vue de commettre des violences », ou encore « port d’armes » ; des qualifications passibles de trois à sept ans d’emprisonnement, selon le procureur.

  • Auditions du ministre de l’intérieur par le Parlement

Le rétablissement de l’état d’urgence n’est « pour l’instant pas à l’ordre du jour », a par ailleurs assuré le secrétaire d’Etat à l’intérieur Laurent Nuñez au lendemain d’un week-end de violences inédites, en particulier à Paris.

Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, et le secrétaire d’Etat Laurent Nuñez seront auditionnés lundi à 20 heures par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Ils ont également rendez-vous mardi devant la commission des lois du Sénat, qui les entendra « sur les émeutes, les agressions contre les forces de sécurité et les actes de vandalisme et de destruction » lors des manifestations des « gilets jaunes ».

  • Blocage de dépôts de carburants

Onze dépôts importants de carburant exploités par Total étaient bloqués lundi et 75 stations-service sur 2 200 appartenant au groupe pétrolier étaient à sec, a communiqué un porte-parole, qui a fait état de nombreux barrages.

Des dépôts connaissent toujours des perturbations liées au mouvement des « gilets jaunes », opposés à la hausse des taxes sur l’essence et le diesel.

Le rond-point d’accès au dépôt pétrolier de Donges (Loire-Atlantique) a été libéré lundi matin par les gendarmes, après avoir été occupé pendant quelques heures par des manifestants. Les dépôts de Brest (Finistère) et Lorient (Morbihan) sont par ailleurs bloqués à la suite d’un mouvement social d’entrepreneurs des travaux publics, a annoncé la préfecture dans un communiqué diffusé dimanche soir. La préfecture de ce département a mis en place, lundi, de restrictions sur les achats de carburant.

  • Les lycéens entrent dans le mouvement

Plus d’une centaine de lycées étaient bloqués, partiellement ou totalement, lundi matin en France par un mouvement de protestation contre les réformes dans l’éducation et en soutien parfois aux « gilets jaunes », selon les premiers chiffres du ministère de l’éducation.

Les mots d’ordre des syndicats lycéens (UNL, SGL, FIDL, etc.) évoquent les réformes du bac et du lycée, ainsi que la plate-forme d’accès aux études supérieures Parcoursup, qu’ils contestent. Le SGL évoque un « mouvement social de contestation (…) aux multiples revendications ».

Des policiers à proximité du lycée professionnel Jean-Pierre-Timbaud à Aubervilliers, le 3 décembre 2018. / THOMAS SAMSON / AFP

Selon les premières remontées des rectorats, parmi les académies les plus touchées figurent celle de Toulouse (une quarantaine d’établissements perturbés) et Créteil (une vingtaine d’établissements). A Nice, près d’un millier de lycéens ont manifesté en soutien aux « gilets jaunes » aux cris de « Macron démission ! ».

  • Impact économique

Différents secteurs économiques ont enregistré des pertes de chiffre d’affaires significatives ces trois dernières semaines sous l’effet des perturbations liées au mouvement des « gilets jaunes », d’après Bruno Le Maire.

  • Dans la grande distribution, confrontée à des problèmes de livraisons et des blocages d’entrepôts, la baisse de chiffre d’affaires (CA) atteint 15 % à 25 %.
  • Pour la première fois depuis le début du mouvement, le 17 novembre, le secteur de l’hôtellerie est confronté à une baisse des réservations atteignant 15 % à 20 %.
  • Dans le secteur de la restauration, les baisses de CA vont de – 20 % à – 50 % en fonction des lieux.
  • l’industrie est également touchée, avec « des pertes de commandes de véhicules chez Renault et chez Peugeot », a souligné Bruno Le Maire sans communiquer de chiffres, en évoquant « des baisses plus importantes dans l’industrie agroalimentaire ».
  • Dans le commerce de détail, la baisse de CA est comprise entre 20 % et 40 %
  • Certains marchés de gros sont également très touchés, avec une perte de CA évaluée autour de 15 %, du fait de problèmes de livraison des marchandises.