Manifestation de lycéens à Toulouse, le 3 décembre. / MATTHIEU RONDEL / HANSLUCAS POUR LE MONDE

« Ralentissez ! Mais putain, ralentissez ! » Mardi 4 décembre, en début d’après-midi, un jeune homme équipé d’un petit micro tente de cornaquer un cortège de lycéens qui avancent au pas de course dans les rues de Toulouse. Où va-t-on ? La plupart des participants semblent l’ignorer. La manifestation n’a fait l’objet d’aucune demande d’autorisation en préfecture, pas plus qu’elle ne répond à l’appel d’un syndicat ou d’une coordination lycéenne. Comme la veille, ce sont quelques centaines de personnes qui parcourent la ville – 500 selon la préfecture. Mais, cette fois, au lieu de rester dans le quartier Saint-Sernin, le cortège traverse la Garonne jusqu’à la place Saint-Cyprien.

La Ville rose, qui a déjà connu des affrontements violents samedi 1er décembre en marge de la manifestation des « gilets jaunes », enregistre donc un début de semaine mouvementé. Dans les rangs des lycéens, presque pas de banderoles, des revendications disparates et un seul mot d’ordre qui s’éteint rapidement, l’inusable « Macron, t’es foutu, la jeunesse est dans la rue ! ». Laquelle n’est d’ailleurs pas toujours de première jeunesse : un nombre important d’adultes se mêlent au cortège, avec ou sans gilets jaunes. Parmi eux, bien visibles avec leurs blousons rouges, des adhérents de la Confédération générale du travail (CGT) venus offrir leur expérience en matière de sécurité et « vérifier le comportement des policiers ». Corinne, enseignante dans la périphérie de la ville, porte son badge du syndicat. Elle s’émeut de la manière dont les lycéens se sont fait repousser la veille. « Complètement disproportionné ! », affirme cette professeure de lettres et d’histoire dans un établissement professionnel « assez tranquille ».

Coup de poing avec la police

« Tournez à gauche ! », lance le garçon dans son micro. Seulement, à gauche, le passage est bloqué par des policiers. Que faire ? Lancer des pierres jusqu’à enfoncer le barrage ? Très vite, cependant, celui-ci se reforme un peu plus loin, sur le chemin de la préfecture. Cette fois, des CRS se sont joints aux policiers. Armées de gaz lacrymogènes et de Flash-Ball, les forces de l’ordre dispersent une partie de la manifestation. Le gros des lycéens, dont beaucoup ne se sont pas équipés pour faire face aux gaz et aux projectiles, finit par s’égayer dans les rues adjacentes. Mais, en début de soirée, quelque 200 personnes, parmi lesquelles des casseurs, continuaient de faire le coup de poing dans le quartier Saint-Cyprien.

A 19 h 30, vingt personnes avaient été placées en garde à vue, dont onze mineurs, rapporte Dominique Alzeari, procureur de la République de Toulouse. Ces interpellations s’ajoutent au dix de la veille (dont quatre mineurs de moins de 16 ans) et aux seize du 1er décembre (huit mineurs et huit majeurs), lors de la manifestation des « gilets jaunes ».

Au deuxième jour de cette protestation, le nombre de lycées touchés par des incidents avait pourtant diminué par rapport au lundi 3 décembre. La préfecture recensait 2 500 élèves mobilisés au fil de la journée, mais seuls vingt-quatre établissements étaient affectés, contre une quarantaine vingt-quatre heures plus tôt. Dix d’entre eux ont été le théâtre d’actions significatives, blocages ou dégâts plus spectaculaires, comme au lycée polyvalent Saint-Exupéry de Blagnac, en partie incendié par un feu de poubelles. Des feux ont aussi été allumés devant le lycée Déodat de Séverac, ainsi qu’au lycée Rive-Gauche où un jeune homme de 17 ans, gravement brûlé au visage, a été admis à l’hôpital Purpan. Anne Bisagni-Faure, rectrice de l’académie de Toulouse, devait recevoir, mardi soir, les proviseurs des établissements les plus secoués. Certains, explique la rectrice qui a contacté les fédérations de parents pour appeler à la vigilance, ont été bousculés ou insultés par des lycéens.