Une station-service à Montpellier, le 4 décembre 2018. / PASCAL GUYOT / AFP

Un geste d’apaisement « nécessaire », pas un renoncement. C’est ainsi qu’au micro de RTL l’ancien ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot a qualifié le moratoire sur la hausse des prix du carburant, annoncé par le gouvernement mardi 4 décembre pour apaiser la colère des « gilets jaunes ». « La priorité est d’apaiser les esprits » a déclaré M. Hulot qui estime tout de même que les mesures annoncées par le premier ministre, Edouard Philippe, constituent une « mauvaise nouvelle » pour le climat. Il a appelé de ses vœux des taxes environnementales plus justes.

M. Hulot a aussi regretté que la suspensions des taxes sur le carburant rende la voix de la France « plus difficile à entendre sur le climat » dans l’arène internationale. Il a appelé le président de la République, Emmanuel Macron, à ne pas renoncer à l’objectif climatique tout en reconnaissant les nécessités politiques du moment. «  L’enjeu écologique ne se fera pas contre les Français, il se fera avec la compréhension des Français » a déclaré l’ancien ministre qui défend un point de vue moins tranché que celui de nombre des défenseurs de la transition écologique, malgré sa démission avec fracas, fin août, du ministère de l’écologie.

« Une grave erreur »

Pour la fédération d’associations de défense de la nature France nature environnement (FNE), il s’agit d’une « une grave erreur » et d’une « régression » qui sacrifie l’écologie sans répondre aux préoccupations sociales. « Les taxes écologiques ne représentent qu’entre 7 % et 8 % du prix des carburants et le pétrole va continuer à se raréfier donc son prix à augmenter. C’est encore l’écologie qui trinque… Renoncer à la taxe carbone ne permettra pas de résoudre les fins de mois difficiles », estime ainsi Michel Dubromel, le président de FNE, qui appelle à participer aux marches pour le climat prévues samedi dans plusieurs villes. Au micro de RTL, Nicolas Hulot a lui estimé que ce n’était « pas le moment ». « C’est mon avis personnel, ça n’engage que moi, je trouve que ce n’est pas le moment car c’est un risque de confrontation supplémentaire et de confusion des messages », a-t-il dit.

Pour une « transition juste », les ONG appellent à appliquer à tous le principe pollueurs-payeurs, notamment aux acteurs du transport routier de marchandises, partiellement exonérés de la taxe carbone. « 2019 doit être l’année du début de la fin des privilèges accordés notamment au kérosène aérien », affirme la FNH, qui appelle aussi à « un plan Marshall » qui prévoirait la rénovation des logements et le renforcement des mobilités durables.

Pour Nicolas Garnier, délégué général de l’association Amorce, qui regroupe collectivités territoriales et entreprises, « si [la suspension] est là pour refonder les règles, alors cela peut avoir un sens ». Son organisation plaide pour une affectation plus importante de la fiscalité environnementale à la transition écologique et aux territoires.

« Mauvais calcul économique »

Pour Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (Fedene), le moratoire annoncé est une « très mauvaise nouvelle et un mauvais calcul économique » car la taxe carbone « est la seule taxe créatrice de valeur », en incitant aux investissements dans les économies d’énergie et les énergies renouvelables, créatrices d’emplois. « Les entreprises demandaient une trajectoire et qu’elles puissent anticiper, donc que cette trajectoire soit tenue. Or avec cette annonce, elle ne serait pas tenue », dit-il, relevant que le mécanisme de la fiscalité écologique « n’est pas compris » par les Français et qu’il faut « remettre les choses sur le tapis ».

Du côté du Syndicat des énergies renouvelables (SER), Jean-Louis Bal juge que « ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’environnement et la croissance de la chaleur renouvelable », qui entre en concurrence directe avec les énergies fossiles comme le fioul ou le gaz.

Edouard Philippe assume la hausse du prix des carburants
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