L’équipe de France féminine de handball après sa victoire contre le Monténégro. / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Sur leurs visages, quelques traces de fatigue, des sourires, mais nulle frustration. Au sortir du match inaugural de l’Euro féminin de handball, perdu, jeudi 29 novembre, contre la Russie à Nancy (23-26), l’équipe de France féminine de handball n’a pas cédé à l’abattement. Une défaite pour entamer la compétition ? « C’est comme d’habitude. J’aurais été inquiète si on avait gagné le premier match », a même souri Alexandra Lacrabère. Une assurance confirmée, par la suite, par les solides victoires face à la Slovénie (30-21) et au Monténégro (25-20).

A l’heure d’affronter le Danemark, jeudi 6 décembre (18 heures) en ouverture du tour principal, les Bleues ont « retrouvé la sérénité [leur] ayant permis de devenir championnes du monde » l’an passé, assure leur arrière-droite, Camille Ayglon.

Depuis le retour aux affaires de l’entraîneur Olivier Krumbholz, fin 2015, la « positive attitude » est devenue la marque de fabrique des Françaises. Et les résultats suivent : l’argent olympique à Rio, en 2016, suivi d’un bronze à l’Euro la même anéne et du titre mondial en 2017.

Cette dynamique coïncide avec l’incorporation au staff français d’un préparateur mental, Richard Ouvrard, pour qui Allison Pineau avait eu ses premiers mots de remerciement une fois l’or mondial acquis voici un an.

Les cadres ont réclamé un préparateur mental

« On travaille beaucoup sur la compréhension des situations, sur la position de chacune dans le groupe, sur la communication qu’il peut et doit y avoir entre nous, et beaucoup aussi sur la confiance, expliquait le sélectionneur français en amont de l’Euro. Et on a un spécialiste qui opère un travail individuel et collectif sur le plan mental. »

Richard Ouvrard est arrivé à la demande des cadres des Bleues. « Les taulières nous ont dit ’’On a besoin d’être accompagnées’’, ce qui nous a semblé totalement légitime, relate le directeur technique national (DTN), Philippe Bana. Leur démarche était d’améliorer leur communication, et désormais, elles se font confiance dans un projet collectif. »

« Le plus important, c’est de trouver sa place dans le groupe et de savoir quel est son rôle, insiste Allison Pineau. Richard nous facilite la tâche, en adaptant ses techniques en fonction des attentes des filles. Il travaille beaucoup sur le ressenti, les émotions, et les interactions entre nous ».

De la façon personnelle d’aborder une rencontre à l’expression collective - sur le banc de touche, notamment -, le champ d’action de Richard Ouvrard est large. Plus encore que de préparation mentale, le praticien, rencontré en amont de l’Euro, préfère parler « d’accompagnement global ». Car, précise-t-il, « mon approche tient autant compte du mental que du physique. »

Son objectif : que chacune trouve sa place, afin « d’éviter aux joueuses de perdre de l’énergie et du temps » et qu’elles puissent se focaliser sur leur performance.

Facilitateur de discussion

Pour ce faire, le préparateur mental est à la disposition des joueuses lors des regroupements. « On parle de tout et de rien, et il arrive à nous cerner sans vraiment creuser. Franchement, il est hallucinant, raconte la gardienne Laura Glauser. Il m’aide à gérer ma confiance en moi, et il nous apporte beaucoup collectivement. »

S’il laisse - « bien entendu » - les aspects techniques et stratégiques à Olivier Krumbholz, Richard Ouvrard intervient lors des préparations et les debriefing de rencontres. « En questionnant de façon candide, j’essaie d’interpeller les joueuses sur leur manière de communiquer entre elles. Ça leur permet plus de clarté et de précision dans leurs propos, et en même temps de se libérer des charges émotionnelles, ce qui facilite la dynamique de groupe. »

Un facilitateur de discussion qui, « nous apporte beaucoup, en tant que groupe », abonde l’expérimentée Camille Ayglon.

Le travail varie en fonction des joueuses. Le préparateur mental n’aborde pas « les anciennes, les leaders » par le même versant que les plus vertes des Bleues. « Certaines joueuses expérimentées ont fait du chemin en autodidactes et ne réclament pas un accompagnement régulier », constate-t-il. D’autres, plus jeunes, puisent dans ses conseils.

« Avec Richard, on fait un travail pour éclaircir mon jeu et il m’aide beaucoup, confirme l’une de ces jeunes pousses, Orlane Kanor. J’ai un jeu non pas brouillon mais un peu fougueux, et il me permet, en discutant, de gérer cette fougue, de contrôler un peu tout ça. » Décidée et décisive dans le « money time » de la finale du Mondial, la jeune messine est l’une des rares françaises à avoir réussi sa rencontre face à la Russie (6 buts, à 6 sur 7 au tir).

Pour Orlane Kanor, le préparateur mental des Bleus lui « permet de gérer [sa] fougue ». / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

« Les Norvégiennes étaient très en avance »

Dans une compétition européenne relevée, où la plupart des rencontres se jouent à un ou deux buts d’écart, tous les éléments permettant de maximiser les performances sont primordiaux. Et la France en a pris conscience.

« L’équipe de France a un super staff, souligne l’ancienne internationale Raphaëlle Tervel. Leur préparateur mental est très bon, et son rôle est primordial. » Désormais entraîneuse de Besançon, la championne du monde 2003 – déjà sous les ordres d’Olivier Krumbholz – insiste sur l’importance de travailler le mental : « C’est ce qui fait la différence. C’est ce pourquoi les Norvégiennes ont glané ce qu’elles ont gagné au fil des années [au niveau continental, seul l’Euro 2012 leur a échappé], elles étaient très en avance. Mais nous nous y sommes mises de façon sérieuse. »

« Cette équipe a réglé la plupart des problèmes psychologiques qu’elle pouvait avoir, et aujourd’hui elles sont épanouies », se félicite Philippe Bana. Une éclosion qu’il met de paire avec la professionnalisation, somme toute récente, de la discipline chez les femmes.

L’approche du handball fait des émules. Depuis le sacre mondial des Bleues l’an passé, Richard Ouvrard – qui travaille avec de nombreux autres sportifs et a mis en place une formation sur le sujet à l’INSEP – a été approché par la Fédération française de football. Et a intégré, à quelques mois de la Coupe du monde en France, le staff de l’équipe nationale féminine.

Au moment d’aborder la phase principale de « leur » Euro, les Bleues misent sur leur force mentale pour atteindre leurs objectifs. Première étape jeudi, à Nantes, face à des Danoises réputées pour « parfois prendre de haut leur adversaire », résume Camille Ayglon.

Jeudi 6 décembre : France - Danemark (18 heures, sur BeIN Sports 1)

Samedi 8 décembre : France - Suède (15 heures, sur TMC et BeIN Sports 1)

Mercredi 12 décembre : France - Serbie (21 heures, sur BeIN Sports 1)