Clément Noël était parti pour un podium au slalom de Levi (Finlande), avant de sortir à six portes de l’arrivée. / Gabriele Facciotti / AP

L’hommage est venu de Jean-Baptiste Grange : « Clément nous a aidés, nous les anciens, à avancer. » Dans le ski alpin français, quand un double champion du monde parle, on écoute. Et à l’entendre, l’énergie d’un garçon de 21 ans a réveillé un groupe de slalom porté disparu des podiums de Coupe du monde depuis bientôt cinq ans.

Clément Noël, pour qui la saison des fêtes ne doit pas toujours être simple, a-t-il une tête de sauveur ? Elle est bien posée, dit-on, sur son corps d’escogriffe : 1, 91 m, ce qui ne pose aucun problème entre les piquets, puisque le vice-champion olympique, Ramon Zenhäusern, pointe dix centimètres plus haut.

C’est avec lui que le slalom français a vu la lumière au bout du tunnel, l’hiver dernier : malgré des dossards lointains, l’obligeant à skier sur une neige détériorée, Clément Noël s’est fait une place dans les dix premiers des slaloms de Coupe du monde, jusqu’à frôler le podium aux Jeux olympiques, à quatre centièmes d’une médaille de bronze.

« Très calme, tranquille. Et très intelligent »

Son premier podium pourrait venir ce dimanche 9 décembre, à domicile, dans le slalom de Val-d’Isère. Il aurait déjà mis cette borne derrière lui le 18 novembre à Levi (Finlande), sans une sortie de parcours à six portes de l’arrivée alors qu’il se dirigeait vers une troisième place, au pire.

Il en était sorti frustré, là où d’autres auraient apprécié ces deux manches quasi parfaites, une entame malgré tout réussie pour cette tant redoutée « saison de la confirmation ». Noël voit assurément au-delà. En bas du slalom olympique de Pyeongchang, celui qui était encore junior paraissait à peine ému de finir à un battement de cils du podium.

« Un jeune avec cette maturité et cette intelligence, je n’en ai jamais vu. »

Huit mois après, on le retrouve au centre national d’Albertville : « Quatrième aux JO, c’est bien. » L’enthousiasme attendra. « Ce que j’ai fait la saison dernière, ce n’était pas commun. Pourtant, on banalise rapidement les performances, il va falloir faire encore mieux. Mais quantifier le nombre de podiums, ce n’est pas possible. » Qu’il y en ait ne semble pas faire de doute, y compris pour lui.

Posé sur des rails depuis ses 15 ans

« C’est un tempérament très calme, tranquille, confirme son entraîneur italien, Simone Del Dio. Et très intelligent. On le voit à la manière dont il s’adapte à la neige, au tracé. Sur des pistes qu’il découvre, il comprend les endroits où l’on peut faire la différence et ceux où l’on ne peut pas trop oser. Un jeune avec cette maturité et cette intelligence, je n’en ai jamais vu. »

Tout semble un peu trop facile pour Clément Noël, posé sur des rails depuis ses 15 ans, lorsqu’il est arrivé en famille d’accueil à Val-d’Isère. Il ne connaît pas l’échec. N’a pas fréquenté les hôpitaux autant que ses confrères. Etait bon au lycée. A surpassé son frère, qu’il avait imité en se mettant au ski alpin, là où les Vosges, sa région, invitent plutôt au nordique.

Il n’a même pas subi de bizutage en arrivant dans les Alpes et apprend le métier au contact de Jean-Baptiste Grange, Julien Lizeroux ou Alexis Pinturault, tous vainqueurs de Coupes du monde de slalom. « Le ski est un monde sans trop de méchants », assure-t-il. Ce n’est pas le souvenir que nous avait laissé un moniteur lassé de nous voir le nez dans la neige.

« On ne peut pas vivre en étant 50e mondial »

« Un monde plutôt sympa » pour enfants bien nés, car « on ne peut pas vivre en étant 50e mondial si on n’a pas les parents derrière ». Son père est ingénieur dans le bâtiment, sa mère gère un appartement mis en location. Ses résultats du début d’année permettent à Clément Noël de vivre de son sport, sans excès. « Chez nous, les sponsors sont des entreprises régionales, qui ne peuvent donner des sommes mirobolantes. » Le sien est une entreprise de gestion des déchets en Haute-Savoie, dont les fondateurs, les frères Excoffier, sont passionnés de ski.

Pour intéresser des sponsors internationaux, comme Alexis Pinturault, il faudrait aller plus haut. Simone Del Dio ne semble pas en douter : « Avoir à ses côtés des cadors comme Julien Lizeroux et Jean-Baptiste Grange lui a donné de l’expérience et de la tranquillité. C’est un skieur moderne. Techniquement, il est déjà une référence. Il doit encore se développer physiquement : à ce niveau-là, il reste un jeune de 21 ans. Mais notre préparateur physique a toujours vu chez lui un bon potentiel. »

Dans la hiérarchie précaire de la Coupe du monde de ski alpin, le Vosgien va bénéficier en ce début de saison de numéros de dossards plus favorables que ceux de la saison dernière, et s’élancer sur une piste en meilleur état. « La différence entre partir 8e et 16e n’est pas négligeable, dit-il. La piste change, mais l’approche mentale aussi, car tu pars avec les grands noms. Le fait de me retrouver dans la cabane de départ autour des meilleurs, de me sentir attendu et regardé différemment, ça peut me servir. » A l’entendre, on a eu le sentiment que l’air des sommets lui était agréable.