Une manifestante de la marche pour le climat qui s’est tenue samedi 8 décembre à Paris. / PIROSCHKA VAN DE WOUW / REUTERS

A la sortie du métro, place de la Nation, Maëlle distribue de drôles de petits tracts. « Tenez, ce sont des consignes de non-violence », dit la militante dans son T-shirt vert d’Alternatiba, une des associations organisatrices de la Marche pour le climat à Paris. « Non mais c’est bon, on est non violents », répond, surpris, un jeune couple. « Non, non, c’est si jamais ça dégénère, pour faire redescendre un peu la pression », précise Maëlle, pour dissiper tout malentendu.

Le bout de papier liste quelques « consignes de sécurité ». Primo, « gardez une attitude calme dans toutes les circonstances : pas de gestes brusques, ayez un vocabulaire et un ton calme et compréhensif ». Secundo, « ne répondez en aucun cas aux violences : pas de jets d’objets, d’insultes, de cris ».

De crainte de débordements liés aux mobilisations des « gilets jaunes », le ministre de l’intérieur Christophe Castaner, rejoint par la maire de Paris Anne Hidalgo et l’ancien ministre et toujours icône de l’écologie Nicolas Hulot, avait donné une autre consigne : ne pas aller manifester.

Si la première consigne a été respectée à la lettre, la seconde a été largement foulée par des milliers de personnes venues défiler, pacifiquement, samedi, entre Nation et République, au moment où se tient la COP 24 en Pologne et où d’autres manifestations étaient organisées en France et à l’étranger contre le changement climatique. Comme lors des marches précédentes, en septembre et octobre, des ours et des gorilles ont battu le pavé en se déhanchant au rythme des percussions et des bandas. Nouveauté de ce samedi 8 décembre redouté à haut risque, la présence de « gilets jaunes » dans le cortège et un mot d’ordre comme un cri de ralliement : « Climat, social, même combat ! ».

Des gilets jaunes ont rejoint la marche pour le climat, samedi 8 décembre, à Paris. / PIROSCHKA VAN DE WOUW / REUTERS

« Changeons le système, pas le climat ». L’affiche est à l’unisson de son gilet : jaune fluo. Benoit, 40 ans, a quitté son barrage sur le rond-point de Tourville-la-Rivière, en Normandie pour participer à la marche pour le climat à Paris. « On n’est pas bête, on n’allait pas monter sur les Champs-Elysées pour se faire gazer », explique Benoît, employé dans un groupe pharmaceutique.

« On est là pour le climat et contre les dérives du système capitaliste. Nous sommes tous des gilets jaunes ».

« La convergence des luttes est en marche »

Elodie, Cécile et Sophie ont aussi enfilé des gilets jaunes. Les trois marcheuses sont collègues à l’université de Créteil. Elles distribuent des autocollants à un carrefour. « Entre fin du monde et fin du mois, on ne choisit pas ! », dit le sticker en référence à une fameuse passe d’arme télévisuelle entre un gilet jaune et Nicolas Hulot. Samedi dernier, Elodie manifestait dans le quartier des Champs-Élysées. Mais aujourd’hui, pas question de rater la marche pour le climat. Depuis septembre, elle les a toutes faites. « On veut opposer les deux mouvements mais il suffit de regarder les slogans et les gens qui défilent aujourd’hui : la convergence des luttes est en marche », veut croire Elodie.

Au hit des refrains entonnés : « Le PIB, c’est dépassé, la croissance de l’inconscience », « un million d’emplois pour le climat, la solution est juste-là ». Une banderole déployée par l’association Attac rappelle : « Pas de justice climatique sans justice fiscale et sociale ». Une manifestante suggère au dos de son gilet jaune de « Faire payer aux riches la transition écologique ».

Cécile est membre d’un collectif qui se bat contre la pollution de l’air. « J’ai mis longtemps à le comprendre mais on y arrivera jamais si on n’embarque pas tout le monde. Car la lutte contre le changement climatique nécessite des changements sociétaux importants ». Dans le cortège, à côté des associations écolos claquent au vent les drapeaux des syndicats Solidaires ou du PCF, des retraités côtoient des étudiants et donc des gilets jaunes.

« Yoan, un gilet jaune, devait prendre la parole mais il est bloqué on ne sait où. On est désolé », s’excuse Pauline, micro en main, sur l’estrade improvisée à l’arrivée de la marche place de la République. On salue tous les gilets ! » Hourras dans la foule. Sans gilet jaune mais mèches blondes sous sa casquette bicolore, la comédienne Marion Cotillard n’a pas voulu pendre la parole. « Je suis-là pour mes enfants et les enfants des enfants de mes enfants, confie-t-elle au Monde. Je suis-là pour dire aux gouvernements qu’ils ne peuvent pas rester sourds à cette demande de changement d’un système à la dérive ».

A ses côtés, le réalisateur et militant écologiste Cyril Dion. Il avait appelé les « gilets jaunes » à rejoindre la marche pour le climat. « C’est une première étape, se félicite Cyril Dion. La première leçon que l’on peut tirer de cette journée, c’est qu’il faut arrêter de jouer la politique de la peur. Il y aura d’autres épisodes ». Quelques heures après la fin de la marche, une fois la place de la République vidée de ses « gilets verts », des heurts ont éclaté entre les forces de l’ordre et plusieurs manifestants avec et sans « gilets jaunes » venus en découdre avec un slogan moins solidaire : « Macron, démission ! ».