L’ancienne présidente du Syndicat de la magistrature (SM), Françoise Martres, à Paris en octobre 2015. / PATRICK KOVARIK / AFP

Le procès du « mur des cons » s’est achevé, vendredi 7 septembre, par des réquisitions de relaxe en faveur de Françoise Martres, poursuivie pour « injures publiques » ès qualités d’ancienne présidente du Syndicat de la magistrature (SM).

Conformément à la position du parquet tout au long de l’instruction, le procureur Yves Badorc a considéré qu’il n’y avait pas lieu à poursuivre la prévenue au motif que le local syndical dans lequel était affiché le fameux panneau n’était pas un « lieu public ». En outre, a-t-il observé, le délit reproché à Françoise Martres, s’il devait finalement être retenu par le tribunal, tomberait sous le coup de la prescription prévue par la loi de 1881 sur la presse.

Cette position n’est évidemment pas partagée par les parties civiles qui estiment au contraire qu’en recevant dans ses locaux syndicaux le journaliste Clément Weill-Raynal, auteur de la vidéo clandestine qui a révélé l’existence de ce « mur des cons », l’ex présidente Françoise Martres avait rendu le lieu « provisoirement public ».

Me Basile Ader qui, avec son confrère Me Jean-Yves Le Borgne représentait neuf parlementaires de droite épinglés sur le panneau, a toutefois suggéré au tribunal, s’il ne le suivait pas sur cette notion de « publicité », de requalifier les « injures publiques » en « injures privées ». De délit, les faits reprochés à Mme Martres deviendraient alors une simple contravention, relevant du tribunal de police.

Indifférence

Voilà, résumé à grands traits, le débat juridique que va devoir trancher le tribunal. Reste une question : à quoi diable a servi ce procès qui a occupé pendant quatre jours la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris ?

Le temps écoulé – cinq ans – entre la révélation, via la vidéo sur le site Atlantico, de l’existence de ce « mur des cons » dans les locaux du SM et l’avènement du procès, a largement contribué à l’indifférence dans laquelle il s’est tenu. L’actualité sociale brûlante de cette première semaine de décembre a ajouté au désintérêt. Mais il n’y a pas que cela. Ces quatre jours de débats sont apparus à la fois anachroniques et hors sujet.

Conscients de la fragilité juridique de leurs plaintes, les parties civiles ont tenté de se servir de cette audience comme d’une tribune contre le syndicalisme des magistrats. La défense du SM s’est efforcée, pour sa part, de corriger l’effet déplorable suscité dans l’opinion par l’existence du « mur » en faisant citer à la barre une multitude de témoins venus raconter l’épopée combattante de ce syndicat ancré à gauche.

Un dialogue de sourds entre deux parties qui semblaient comme figées dans le temps où Nicolas Sarkozy était ministre de l’intérieur, puis président de la République et qui avait donné lieu à de multiples tensions entre l’exécutif et les juges. Mais les alternances présidentielles intervenues depuis cette époque ont éloigné du pouvoir plusieurs des personnalités politiques épinglées qui se sont constituées parties civiles et se sont d’ailleurs contentées d’être représentées à l’audience par leurs avocats. Quant aux heures glorieuses du SM que les témoins ont voulu ressusciter, elles remontent à plus loin encore et une audience correctionnelle n’est pas destinée à devenir un colloque historique.

« C’est la mémoire de ma fille qu’on insulte »

Surtout, tout cela a buté sur la seule vraie trace laissée par cette affaire dans l’opinion publique : la présence, sur ce « mur des cons », des visages de Jean-Pierre Escarfail et Philippe Schmitt, pères de deux jeunes filles assassinées.

« A travers ce comportement, c’est la mémoire de ma fille qu’on insulte », a déclaré à la barre le père d’Anne-Lorraine Schmitt, une étudiante de 23 ans tuée de trente-quatre coups de couteau un dimanche de novembre 2007 dans le RER D par un délinquant sexuel récidiviste – condamné depuis à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de vingt-deux ans. Un « mépris » et une « faute d’éthique » que les excuses renouvelées de Françoise Martres à l’audience n’ont pas effacés, pour Philippe Schmitt.

Vendredi 7 septembre, le père d’Anne-Lorraine Schmitt a quitté bruyamment la salle, suivi de son épouse, quand le procureur a annoncé son intention de demander la relaxe de la prévenue. Le jugement a été mis en délibéré au 31 janvier.