« Blame! »

Structure artificielle géante composée de strates millénaires, Aposimz est un astre à l’abandon qui abrite une population hétéroclite et étonnante. De rares communautés humaines, fragiles, vivent dans ses décombres, tout en évitant Revidor, un gouvernement central totalitaire composé de puissantes « marionnettes » robotisées.

C’est dans ce monde hostile qu’Essro (Etherow, en anglais) évolue avec difficulté en compagnie de ses amis, jusqu’au jour où une rencontre le met en contact avec une fugitive qui lui fournit avant de mourir un code et sept projectiles. Pas de chance, ces derniers sont fortements convoités par le Revidor, qui va tout mettre en œuvre pour les récupérer. Grâce au code, Essro se transforme lui-même en marionnette d’assaut, faisant apparaître Titania par la même occasion, un automate venant du centre d’Aposimz, envoyé(e) pour contrecarrer les projets du gouvernement central.

« Aposimz » / © 2017 Tsutomu Nihei / Kodansha Ltd.

Plusieurs éléments récurrents caractérisent les œuvres de Tsutomu Nihei, dont Knight Of Sidonia, sa plus célèbre référence avec Blame !. L’auteur japonais dispose dans son répertoire d’un nombre important d’œuvres très riches, construites autour d’univers cyberpunks très complexes, qui communiquent entre eux. Ainsi, cette nouvelle série reprend des thématiques et un univers que l’on aura déjà arpenté dans Blame !, Abara ou Biomega.

C’est pourtant de Blame ! qu’Aposimz s’inspire le plus. On y retrouve un même univers tentaculaire, qui impressionne par sa cohérence graphique et thématique, par son vide oppressant et sa dureté implacable. Les structures glacées, couvertes de neige, ne sont que tuyauteries, ferrailles, moteurs, tubes et pipelines rouillés. Autant que Blame ! était d’un noir contrasté, Aposimz est blanc, tellement blanc qu’on pense d’abord qu’il s’agit d’un défaut d’impression. La finesse du trait, la légèreté des trames, ces paysages à la limite du visible ne tempèrent en rien la dureté du propos et la longue série de déconvenues violentes que subit le héros dans ce premier volume.

« Aposimz » / © 2017 Tsutomu Nihei / Kodansha Ltd.

Comme dans Blame !, la proximité morphologique des personnages avec l’humain est trompeuse. Tout est mutant ou en mutation, et les sentiments aussi, dans l’univers d’Aposimz. Si le début de la série présente l’environnement normalisé d’une communauté pastorale, Nihei nous fait très vite basculer dans le cauchemar très froid d’un monde pour lequel le massacre ne semble pas moralement problématique. Sans doute parce que, justement, les marionnettes ne sont pas vraiment « vivantes ». Ce postulat explique la facilité avec laquelle l’auteur élimine sans états d’âme les personnages avec lesquels il nous a familiarisés dès les premières pages.

Enfin, comme dans Blame !, le héros est dans une structure narrative assez classique, de type initiatique, sur un chemin linéaire qui le mène sur la voie de la compréhension et de l’amélioration de son sort. Si l’univers qui nous est présenté est très complexe et nécessite une phase d’assimilation, la narration elle-même est très simple, avec des étapes et des niveaux très proches de ceux qu’on peut trouver dans le jeu vidéo. Ainsi, Essro commence sans arme, avec un « réservoir » d’énergie qu’il doit améliorer en éliminant des « mobs de zone » et des boss de plus en plus puissants, qu’il devra détruire les uns après les autres.

Bien plus accessible que Blame !, Aposimz réussit rapidement à créer l’adhésion, contrairement à son aîné, qui traîne une réputation (justifiée) de série difficile, voire aride. Tsutomu Nihei signe ici une de ses œuvres les plus abouties.

« Aposimz » / © 2017 Tsutomu Nihei / Kodansha Ltd.

Aposimz, de Tsutomu Nihei, en librairie le 7 novembre, éditions Glénat, 190 pages, 7,60 euros.