« Justice en danger, avocats en colère » : les robes noires bloquent lundi 10 décembre des tribunaux à Rouen, Nice et en Ile-de-France pour dénoncer une réforme de la justice qui « porte atteinte aux droits des justiciables ».

L’examen du projet de réforme de la justice est actuellement en cours de discussion en première lecture à l’Assemblée nationale qui a déjà voté plusieurs mesures, dont la fusion controversée des tribunaux d’instance et de grande instance.

Accroissement des pouvoirs du parquet

A Rouen, où le barreau est mobilisé depuis le 4 décembre, 130 avocats ont barré l’entrée du palais de justice pour empêcher les transferts de détenus, selon Eric di Costanzo, bâtonnier de Rouen. Les autres justiciables pouvaient accéder à l’ancien parlement de Normandie en passant un « barrage filtrant ».

Des codes de procédure pénale ont été plantés sur les grilles du palais de justice tandis que certains avocats en robe noire portaient des masques blancs, symbolisant « la justice sans visage ». « Il y a une grève générale des audiences. Depuis mardi dernier, pratiquement toutes les audiences ont été renvoyées », a souligné le bâtonnier.

Une quinzaine d’avocats parisiens ont d’ailleurs fait le déplacement à Rouen lundi matin pour apporter leur soutien à leurs confrères normands. « Nous sommes très fiers de ce qu’ils font à Rouen. Ce sont des modes d’action qui nous paraissent nécessaires pour se faire entendre », a déclaré à l’AFP Christian Saint-Palais, avocat parisien et président de l’Association des avocats pénalistes (ADAP), en critiquant le « manque de considération » et le « mépris » du gouvernement. « Ce projet de loi porte atteinte aux droits des justiciables. Il crée un déséquilibre fondamental de la procédure pénale », a estimé Me Saint-Palais, en citant la suppression des tribunaux d’instance et l’accroissement des pouvoirs du parquet « sans contrepartie ».

A Rouen, les avocats sont particulièrement mobilisés contre la réforme de la carte judiciaire et dénoncent une disposition qui prévoit de confier la réévaluation des pensions alimentaires aux Caisses d’allocations familiales et non plus à un juge, selon Me Di Costanzo.

« Justice complètement déshumanisée »

Le barreau des Yvelines est également en grève, avec une dizaine d’avocats en robes noires distribuant des tracts devant le palais de justice de Versailles lundi matin. Le barreau a voté une grève des audiences jusqu’à mercredi inclus. « Ce qu’on nous promet, c’est une justice complètement déshumanisée », a déclaré la bâtonnière Christine Blanchard-Masi, un paquet de tracts en main. « Toute cette loi est prétendument fondée sur une modernisation de la justice, et en fait, [elle est menée] pour des raisons budgétaires », a-t-elle ajouté, dénonçant le « mépris » du gouvernement envers la profession. « Il n’est jamais trop tard, le gouvernement a déjà reculé », a-t-elle poursuivi, assurant que la profession va se mobiliser pendant tout le débat parlementaire.

Le tribunal de Bobigny a aussi été bloqué jusqu’à 10 heures et la tenue d’une assemblée générale. Une quarantaine d’avocats en robe noire, proposant café et croissants, ont participé au blocage. « Justice en danger, avocats en colère », « magistrats avec nous », « justice nulle part », scandait un avocat au micro. « Bientôt, il n’y aura plus d’accès à la justice sur le territoire, ce sera trop compliqué. Car les saisines des litiges inférieurs à 10 000 euros se feront que sur Internet, or, beaucoup de gens encore en Seine-Saint-Denis ne savent pas l’utiliser », a déclaré Sonia Boundaoui, avocate au barreau de Seine-Saint-Denis.

A Nice, l’accès du tribunal a été bloqué jusqu’à 10 heures, perturbant le début des audiences, selon un scénario qui se répète depuis plusieurs jours. Une banderole « Justice morte, démolition en cours » a été accrochée aux grilles du palais de justice. Les tribunaux de Meaux et Pontoise sont également bloqués.

A Lille, le conseil de l’ordre a décidé d’une grève générale des audiences pour mercredi. Ce jour-là, le Conseil national des barreaux appelle à manifester dans le cadre d’une journée « Justice pour tous » à partir de 11 heures devant les préfectures.

Le fonctionnement de la justice française expliqué en quatre minutes
Durée : 03:52