Zineb Sedira, « Laughter in Hell » (2018). / Zineb Sedira

Zineb Sedira poursuit inexorablement son œuvre, qui a pour centre l’histoire de l’Algérie, le pays natal de ses parents. Les images sont son matériau d’analyse et son mode d’expression. Tantôt elle les crée, par la vidéo ou la photo, tantôt elle en constitue des ensembles, déployés en installations. C’est la méthode qu’elle applique ici à un sujet précis : le destin du dessin d’humour et de la caricature en Algérie durant la guerre civile, de la victoire électorale du Front islamique du salut en 1990 à la loi dite de « concorde civile » de 1999. Soit une décennie de massacres dont dessinateurs politiques et satiriques furent parmi les dizaines de milliers de victimes.

Plaisanteries à l’humour le plus macabre qui soit

Archiviste, Sedira a retrouvé nombre des planches parues dans les journaux ou sous forme d’albums. Ce sont des plaisanteries à l’humour le plus macabre qui soit. Exemple : un père se réjouit que, grâce à lui, son fils s’éduque sur Internet. Mais le gamin consulte passionnément des conseils sur la fabrication des bombes ; le raccourci est d’une justesse terrible. Ou cette conversation entre deux barbus islamistes : « Je nettoyais tranquillement mon arme quand une balle est sortie malencontreusement ; elle a tué un intellectuel, ensuite elle a ricoché sur un peintre abstrait fauchant au passage un écrivain laïque avant de se loger dans le foie d’un chanteur de raï… »

Autant dire qu’on ne rit pas longtemps face à cette chronique du combat du fanatisme contre la pensée, bien que ces dessinateurs excellent dans le burlesque. L’exposition commence par des plaques de cuivre où trois de ces fables tragiques sont gravées à l’acide : trois faire-part de deuil de la liberté assassinée.

« Laughter in hell », galerie Kamel Mennour, 6, rue du Pont-de-Lodi, Paris 6e. Tél. : 01-56-24-03-63. Du mardi au samedi de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 12 janvier 2019.