Frapper fort et vite. Lors de son allocution télévisée, lundi 10 décembre, le président de la République a tenté de répondre aux « gilets jaunes » selon la technique, dite du « tapis de bombes » : des chiffres forts et des mesures emblématiques, prises en une seule fois et pas étalées dans le temps comme prévu. L’objectif de cette stratégie est d’avoir un impact maximal sur l’opinion. Quitte à s’exposer à un retour de bâton, une fois le détail des dispositions et de leur application connu. Outre l’augmentation d’une centaine d’euros du revenu accordé aux personnes émargeant au smic, Emmanuel Macron a annoncé un effort sur la CSG des retraités modestes et a incité les entreprises à verser une prime de Noël exceptionnelle. Tour d’horizon des annonces.

  • Effort sur la CSG des retraités

Le président de la République a annoncé l’annulation de la hausse de CSG pour les retraités qui touchent moins de 2 000 euros par mois. Une augmentation de cette contribution avait été décidée pour les retraités percevant plus de 1 280 euros par mois (1 394 euros pour les moins de 65 ans).

La décision du chef de l’Etat constitue un revirement de taille. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, avait indiqué, lundi, que l’hypothèse d’une suppression du relèvement de la CSG n’était pas à l’ordre du jour : « La hausse de la CSG, c’est ce qui permet de financer l’augmentation du salaire net de tous ceux qui travaillent », avait-il argumenté.

Dans l’entourage du ministre de l’action et des comptes publics, on précise que les retraités gagnant entre 1 200 et 2 000 euros par mois seront assujettis à un taux de CSG de 6,6 %, soit celui qui leur était déjà appliqué. Selon Bercy, le coût du dispositif devrait se monter à 1,5 milliard d’euros en année pleine, mais il n’est pas dit que la mesure s’applique strictement au 1er janvier, car elle ne pourra peut-être pas être votée à temps.

  • Smic : augmentation de la prime d’activité

C’était une des demandes les plus emblématiques des « gilets jaunes » et Emmanuel Macron n’y a répondu que partiellement lundi. Le chef de l’Etat a déclaré que « le salaire d’un travailleur au smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu’il en coûte un euro de plus pour l’employeur ».

Ce n’est en aucun cas le « coup de pouce » réclamé, car en réalité, c’est le revenu de la personne touchant le smic qui augmentera de 100 euros. Pour y parvenir, la prime d’activité, accordée aux travailleurs pauvres et de conditions modeste, sera majorée plus fortement et plus rapidement que prévu, en intégrant dès 2019 les hausses programmées les deux années suivantes. L’autre levier utilisé est l’exonération de cotisations salariales, appliquées en 2018.

La revalorisation légale du smic, qui interviendra le 1er janvier 2019 (à hauteur d’environ 1,8 %), n’est pas prise en compte dans le bond de 100 euros, souligne un conseiller. Au total, poursuit-il, le revenu mensuel net d’une personne au smic, en incluant notamment la prime d’activité, « passera à 1 430 nets par mois en 2019, en moyenne, contre 1 307 fin décembre 2017 ». Selon le ministère de l’action et des comptes publics cette mesure coûtera entre 500 et 600 millions d’euros par an.

  • Heures supplémentaires sans impôts ni charges

Emmanuel Macron a également déclaré que les heures supplémentaires seront « versées sans impôts ni charges dès 2019 » alors qu’elles devaient, au départ, seulement être exonérées de cotisations salariales (« désocialisées »). Ce choix s’inscrit dans la droite ligne du dispositif phare mis en place au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy pour concrétiser son slogan de campagne « travailler plus pour gagner plus ».

La mesure, dont le coût avait été évalué à environ 4,5 milliards d’euros par an, avait été critiquée, notamment dans un rapport des députés Jean-Pierre Gorges (LR, Eure-et-Loir) et Jean Mallot (PS, Allier). Pour les deux parlementaires, elle avait engendré un « fort effet d’aubaine », sans s’accompagner d’une hausse significative du nombre d’heures travaillées.

Avancer à janvier l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires, prévue à partir du 1er septembre 2019, coûterait 1,2 milliard d’euros supplémentaires (la mesure avait été évaluée à 600 millions d’euros pour quatre mois dans le PLF 2019). L’exécutif pourrait aussi décider de franchir une autre marche en les défiscalisant totalement (pas d’impôt sur le revenu à payer dessus). En tout, la facture pourrait s’élever à 2,5 milliards selon Bercy.

  • Une prime de Noël exceptionnelle

Le président a demandé « à tous les employeurs qui le peuvent, de verser une prime de fin d’année à leurs employés ». Pour les inciter à verser ce complément de salaire, purement facultatif, il précise que les patrons n’auront à « acquitter ni impôt ni charge ». Autrement dit, la prime ne coûtera rien à l’employeur, en plus de ce qu’il verse déjà à son salarié. Pour ce dernier, il n’y aura pas non plus d’impôts supplémentaires dus à ce surcroît de revenu.

Pour éviter l’effet d’aubaine, ces exemptions de charge ne concerneront que les primes exceptionnelles qui n’auront pas été prévues au préalable par un accord de branche ou d’entreprise, explique-t-on au ministère du travail.

Cette annonce dépend entièrement du bon vouloir des entreprises. A elles de décider de gratifier leurs salariés d’un bonus ou pas. Les organisations patronales s’étaient dites prêtes à le faire lors d’une rencontre avec Bruno Le Maire, le 6 décembre, mais Alain Griset, patron de l’U2P, union des entreprises de proximité, a d’ores et déjà prévenu que « de nombreuses entreprises n’auraient pas les moyens de la verser ».

« Ce sera sûrement plutôt réservé aux grands groupes qui ont les reins solides et qui n’ont pas forcément pâti de la crise des “gilets jaunes”. Eux pourront contenter leurs salariés avec une prime exceptionnelle, pour les autres, ce sera difficile… », ajoute une source patronale.

Des mesures présentées lundi par le président, cette prime est la plus difficile à chiffrer car nul n’est capable de dire à l’avance le manque à gagner pour le gouvernement. Ce dispositif évoque la « prime de partage des profits » (ou prime dividendes) que Nicolas Sarkozy avait instaurée en 2011. A l’époque, les entreprises de plus de 50 salariés ayant versé des dividendes en hausse par rapport aux deux exercices précédents devaient verser un bonus à leurs salariés. Elle avait été supprimée début 2015 à l’époque où Emmanuel Macron était ministre de l’économie.

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