Dans le quartier du Neudorf à Strasbourg, dans la nuit de mardi à mercredi 12 décembre. / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

A Strasbourg, en début de soirée, l’accès à la ville se fait encore normalement et le calme règne. La circulation des transports en commun a été interrompue et les rails du tram restent étrangement vides. Au Sud de l’agglomération cependant, aux abords du quartier du Neudorf, les gyrophares transpercent la nuit. Les véhicules des forces de l’ordre bloquent de nombreuses voies. Le secteur a été sécurisé pour tenter de localiser l’auteur des tirs.

A proximité du cordon de sécurité, place du Schluthfeld, dans le quartier du Neudorf, quelques personnes attendent dans le froid. Certaines sont en voiture et ont « atterri » ici après s’être faits refoulées à différents carrefours. D’autres sont des habitants des rues adjacentes, bloquées par les forces de l’ordre. Il y a aussi une équipe de télévision lituanienne, venue couvrir la session plénière du Parlement européen, plus habituée à interviewer eurodéputés et lobbyistes qu’à filmer un dispositif de sécurité. Au-dessus des têtes, un hélicoptère survole incessamment la zone. Les quelques passants voulant traverser les voies sont fermement invités à courir. Ceux qui se mettent trop à découvert sont vites priés de dégager les lieux, sinon de raser les murs. Des cris résonnent : certains habitants désirant rentrer chez eux se sont fait surprendre par le dispositif de sécurité.

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« Les mains en l’air, stop, arrêtez vous ! »

C’est le cas d’Amir, qui sort de son travail. Quelque peu désorienté, il s’agrippe à son vélo comme à une bouée. Il n’était pas au courant du drame qui vient d’arriver. Au téléphone, sa mère ne comprend pas qu’il ait des difficultés à rentrer ; pour cela, il faudrait qu’il longe une avenue désormais bloquée par les forces de l’ordre. Amir tente un passage, mais au bout de quelques secondes, la voix forte d’un membre des forces de l’ordre résonne dans le quartier presque désert : « Les mains en l’air, stop, arrêtez vous ! » Le cycliste revient bredouille. Il s’éloignera finalement dans les ruelles adjacentes.

Mickaël s’attarde quant à lui par curiosité, impressionné par la sécurisation de son quartier. Face à l’attentat qui vient de toucher le marché de Noël, il reproche un laisser-aller du gouvernement, « depuis des années ». « La sécurité ne fait pas tout parce qu’on ne peux pas filtrer chaque individu, on ne s’en sortirait pas, estime-t-il. Mais je n’ai pas peur d’aller sur le marché de Noël. Je continuerais d’y aller parce que j’aime ça et que ça fait partie de ma culture de chrétien ».

La « grande île » sécurisée

Ce n’est pas la première fois que le marché de Noël de Strasbourg est la cible de terroristes. En 2000 déjà, cet événement emblématique de la ville alsacienne, qui accueille chaque année quelque 2 millions de visiteurs, avait fait l’objet de menaces de la part d’un groupe salafiste. Depuis, le centre-ville de Strasbourg est placé sous haute surveillance chaque mois de décembre. Les mesures de sécurité ont été particulièrement renforcées suite aux attentats de 2015.

Durant la période du marché de Noël, un périmètre de protection est établi autour de la « grande île » formée par l’Ill et le canal des Faux-Remparts, qui regroupe les différentes animations organisées dans le cadre du marché. Barrières, murets en béton et véhicules des forces de l’ordre sont positionnés en travers de la quinzaine de ponts d’accès à la « grande île », pour empêcher leur franchissement, et des fosses sont aménagées sur les voies du tramway. Les stations situées dans ce périmètre ne sont d’ailleurs pas desservies durant les horaires d’ouverture du marché (11 heures-20 heures en semaine). Le stationnement des véhicules y est interdit sur toute la période, de même que leur circulation durant les heures d’ouverture.

Les quelques véhicules autorisés sont systématiquement soumis à contrôles et des contrôles aléatoires (palpations, inspection visuelle et fouille des bagages) sont effectués sur les piétons et les cyclistes, par les forces de l’ordre ou des agents de sécurité privés. Des mesures acceptées de bon gré par les habitants et les touristes mais qui, à force d’accoutumance, sont souvent réalisées de façon machinale. Sur le marché de Noël de Strasbourg comme ailleurs, la vigilance face à la menace terroriste avait fini par s’émousser au fil des années.

En images : après la fusillade, des Strasbourgeois confinés une partie de la nuit