Le « tifo » du Marakana pour l’entrée des joueurs, avant Etoile rouge de Belgrade-PSG, mardi 11 décembre en Ligue des champions. / PEDJA MILOSAVLJEVIC / AFP

C’est avec un maillot du Paris Saint-Germain de 1981, échangé avec un supporteur, que Presnel Kimpembe, sponsor RTL sur le poitrail, a fêté sa victoire mardi 11 décembre (1-4) au stade Marakana de Belgrade. Une tenue plus qu’appropriée. Car c’est une forme de voyage dans le temps qu’a fait le PSG en Serbie. Une exploration de cette authenticité foutraque tombée en désuétude en Ligue des champions, celle que Paris a laissé derrière lui dans sa conquête des sommets, comme les rivaux de son rang.

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Au Marakana, stade bâti en 1963, les graffitis décorent les murs d’enceinte et une piste de tartan sépare encore les tribunes de la pelouse. Sur le chemin des tribunes, les vendeurs à la sauvette déploient leurs écharpes en mauvaise acrylique sur des séchoirs à linge, le club n’ayant pas encore imposé son monopole sur les produits dérivés. En tribunes, celui qui restera assis ne verra rien du match, puisque chacun est debout, et tant pis pour les enfants qu’il faut porter dans ses bras. L’une des rares choses qui doit avoir changé ici, depuis la campagne victorieuse dans la Coupe des clubs champions en 1991, ce sont les écrans des téléphones qui s’allument pour filmer les chants venus de la tribune Nord. Il y a aussi le contrôle à l’entrée : il se fait par un simple tourniquet de métro, mais c’est toujours mieux qu’il y a quelques années, lorsque des milliers de spectateurs se contentaient d’un petit billet dans la main du steward pour accéder au stade.

Le charme y gagne ce que les finances de l’Etoile rouge y perdent : ses moyens ne lui permettaient pas d’espérer grand-chose pour son retour en C1, pour la première fois depuis 1992. Après cette quatrième défaite, le champion de Serbie est écarté de toutes les compétitions européennes, tandis que Liverpool, vainqueur de Naples mardi soir (1-0), accompagne Paris en huitièmes de finale.

« On est formatés pour jouer dans des stades comme ça »

Edinson Cavani a fait le travail (10e minute) sur un service de Kylian Mbappé, suivi par Neymar dans un numéro de soliste (40e). Un quart d’heure intense au retour des vestiaires a fait trembler les fondations du Marakana (réduction du score par Marko Gobeljic, 56e) avant que Marquinhos, de la tête sur un coup franc d’Angel Di Maria, ne plie l’affaire pour de bon (74e). Les ultras belgradois, les « Delije » (« les Braves »), ont à peine cillé sur le quatrième but parisien signé Mbappé, dans les arrêts de jeu ; ils chantaient encore.

Derrière l’UEFA, régulièrement traitée de « mafia », Mbappé et Neymar étaient incontestablement les vedettes de la nuit belgradoise. Le public local en avait fait sa cible dans une ritournelle que l’on fredonnait encore à la sortie du stade, le sourire aux lèvres d’avoir agoni d’injures deux joueurs trop prompts, selon lui, à se rouler par terre. Avant de grimper dans le bus du Paris Saint-Germain, Kylian Mbappé prenait un air amusé lorsqu’on l’interrogeait sur l’ambiance du soir : « On est des joueurs de haut niveau et on est préparés, formatés pour jouer dans des stades comme ça. Je suis un peu rabat-joie, mais c’est notre quotidien. »

Il nous avait échappé qu’en Ligue 1 ou dans les stades anglais ou espagnols, une tribune d’une quinzaine de milliers d’hommes, soit 30 000 poumons, sautait et criait à l’unisson durant 90 minutes comme ce fut le cas ce mardi soir. Tous ressentaient visiblement une certaine jouissance à siffler une équipe ayant eu l’étrange idée d’abandonner ses couleurs historiques pour jouer en noir et blanc, couleurs du Partizan Belgrade, ennemi juré de l’Etoile rouge.

« Vous cherchez un truc ? »

Qui plus est une équipe française, à un moment où les relations franco-serbes sont abîmées par la gaffe protocolaire de Paris lors des cérémonies du 11-Novembre dernier : le président serbe Aleksandar Vucic avait été relégué dans une tribune secondaire, une position peu conforme au sacrifice de la Serbie entre 1914 et 1918. La population serbe est celle ayant subi proportionnellement le plus grand nombre de morts durant le conflit. Les supporteurs de l’Etoile rouge se sont chargés de le rappeler en déployant plusieurs banderoles illustrant les combats de l’armée serbe et son rôle clé sur le front de Salonique. Plus tôt, les mêmes « Delije » avaient raillé la laborieuse quête de Ligue des champions du Paris Saint-Germain qatari dans un « tifo » figurant un Bédouin et un dromadaire en plein désert, et ce message : « Looking for something ? » (« Vous cherchez un truc ? »)

Le PSG poursuivra cette quête en février, face à un deuxième de poule. Il jouera probablement dans un stade flambant neuf, comme ceux de Tottenham, l’Atlético Madrid ou Schalke 04, trois de ses adversaires possibles. Les autres seront connus mercredi soir. Manchester United et la Roma devraient être du lot. Il faudra franchir cette étape, et une de plus encore, pour faire un nouveau voyage dans le temps en égalant enfin la meilleure performance du club en C1 : les demi-finales, atteintes au printemps 1995.