L’avis du « Monde » – pourquoi pas

C’est Peter Jackson qui aurait dû à l’origine réaliser Mortal Engines. Il s’est contenté du rôle de coscénariste et de producteur. Très occupé par le tournage de la trilogie du Hobbit pour le studio Warner, le cinéaste néo-zélandais en a confié la direction à Christian ­Rivers, qui dessinait les story-boards de ses films afin que Mortal Engines puisse être engagé vite, avant que ne soient perdus les droits du roman de l’écrivain britannique Philip Reeve (Mécaniques fatales, Hachette Jeunesse, 2003), dont il est l’adaptation.

Dans un futur très lointain, post­apocalyptique, la Terre est composée de villes plus ou moins gigantesques et mobiles, montées sur de monumentales chenilles. Les grandes métropoles, dont Londres, absorbent les petites cités dont les habitants sont condamnés à agrandir la population des premières. Dans ce monde d’étranges prédations immobilières et urbaines, une jeune fille, Hester, se lance dans la quête de l’homme qui a tué sa mère. Tom, un jeune niais, s’enfuit avec elle. A la fois proies et chasseurs, ils tentent, à la suite de péripéties plus ou moins originales, d’empêcher l’usage, par un dictateur, d’une arme de destruction massive destinée à accroître la puissance impérialiste de Londres.

Ce qui frappe en voyant le film de Christian ­Rivers est l’inventivité d’un univers visuel semblant rendre possible ce qui pourrait relever de l’infigurable

Ce qui frappe immédiatement en voyant le film de Christian Rivers est l’inventivité d’un univers visuel semblant rendre possible ce qui pourrait relever de l’infigurable, comme si les trouvailles d’un Serge Brussolo, pour prendre une référence qui saute aux yeux, prenaient vie sous nos yeux grâce aux dernières possibilités des effets spéciaux numériques. Gigantesques encombrements d’immeubles, de jardins, de cathédrales et d’espaces urbains, montés les uns sur les autres en une série d’étages où l’air est parfois rendu opaque par la vapeur et la fumée des cheminées, les décors synthétiques de Mortal Engines mêlent les vestiges d’un XIXe siècle finissant, ­industriel et pollué, à un futur ­indéfinissable. Le film relève, partiellement, d’une sous-catégorie de la science-fiction, le steampunk, uchronie mêlant un univers du passé (celui de la révolution industrielle) à des visions futuristes.

Conflits œdipiens

Mais Mortal Engines souffre d’un défaut assez répandu dans un certain cinéma hollywoodien contemporain. La fiction s’y nourrit des dernières possibilités de la technologie en matière visuelle mais ne parvient pas à se dégager des sentiers battus. La création d’univers fantastiques ne produit pas, en effet, de nouvelles manières de raconter des histoires et de peindre des portraits psychologiques. Le film relève d’une culture pour adolescents aux contours bien balisés, où toutes sortes de clichés et de situations types sont reproduits afin de ne pas déboussoler un spectateur modèle, que l’on suppose jeune et mondial, en lui renvoyant ses propres fantasmes sous une forme attendue.

Mortal Engines est un éloge prévisible de la révolte et de la rébellion nourrissant une inaltérable paranoïa adolescente. Une accumulation de conflits œdipiens déplacés symboliquement dans des relations père-fille y détermine les actions d’un certain nombre de personnages. Une des héroïnes découvre, en effet, que son géniteur est un tyran mégalomane et inhumain, loin de l’image idéale qu’elle avait de lui, l’autre est pourchassée par la créature qui l’a adoptée et élevée, sorte de zombie mi-chair mi-métal, indestructible et féroce, belle trouvaille du film par ailleurs. C’est bien connu, les parents ­déçoivent.

Mortal Engines / Bande-annonce officielle 2 VF [Au cinéma le 12 décembre]
Durée : 02:36

Film américain de Christian Rivers. Avec Hera Hilmar, Higo Weaving, Robert Sheehan (2 h 08). Sur le Web : www.universalpictures.fr/micro/mortal-engines et www.mortalengines.com