De la fumée s’échappe des cheminées de l’usine Sasol, qui synthétise des produits pétroliers et du gazole à partir du charbon, à Sasolburg, en Afrique du Sud, le 4 décembre. / Themba Hadebe / AP

Depuis les années 1970, la fin du pétrole est régulièrement annoncée. Elle devrait être précédée par un pic dans la production (appelé le « peak oil ») et suivie d’une explosion du prix du baril. En 2010, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) annonçait que ce pic avait été atteint en 2006. Et pourtant, huit ans plus tard, la production continue à augmenter et le prix du baril est aujourd’hui loin du record atteint en 2008. Donner une date pour la fin du pétrole semble donc particulièrement difficile.

Une fin très difficile à prévoir

Pour prévoir l’évolution de la production de pétrole, on estime la quantité qui peut encore être extraite des gisements. Celle-ci dépend à la fois du pétrole qui s’y trouve mais aussi des capacités de production et du prix du baril : disposer de champs pétrolifères ne suffit pas, encore faut-il que leur exploitation soit rentable.

Le coût de l’extraction du pétrole est variable lui aussi et dépend à la fois des avancées technologiques et des investissements à long terme des compagnies pétrolières, qui eux-mêmes dépendent du prix actuel du baril… Les politiques publiques, en subventionnant, autorisant ou restreignant les nouvelles exploitations pétrolières ou les autres sources d’énergies peuvent aussi jouer un rôle déterminant.

L’exemple le plus notable de ces changements difficiles à anticiper est l’augmentation spectaculaire, ces dernières années, de la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis. Ce type de pétrole requiert des techniques d’extraction différentes des procédés classiques, qui sont très critiquables d’un point de vue environnemental. Mais elles permettent néanmoins aux Etats-Unis d’atteindre de nouveau son volume de production de pétrole d’il y a cinquante ans. Alors qu’en 2013 l’AIE prévoyait un pic de production à seulement 3,5 millions de barils par jour en 2025, les Etats-Unis ont atteint cinq ans plus tard un volume de production plus que doublé (7,6 millions de barils quotidiens). Une croissance très mal anticipée, même si les prévisions qui sont faites, rappellent les rapports et articles scientifiques, comportent forcément de grandes incertitudes.

L’estimation de ces quantités est, par ailleurs, dépendante des enjeux géopolitiques. Outre le fait que certains organismes (comme l’Energy Watch Group) pensent que des pays du Golfe comme l’Arabie saoudite surestiment leurs réserves, le niveau des prix est en partie déterminé par le volume de production décidé par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Maintenir le prix du baril artificiellement bas en augmentant la production peut permettre de limiter les investissements et d’éviter l’émergence de concurrents.

Une production mouvante

Pour toutes ces raisons, la production de pétrole est fluctuante et son évolution est difficile à prévoir. Le rôle de certains pays change rapidement, comme le montre la carte ci-dessous. Les Etats-Unis, par exemple, ont réduit ces dernières années leurs importations et leur dépendance aux pays du Golfe, alors que, du fait des sanctions internationales (levées en 2015 et réinstaurées en 2018), la production de l’Iran varie de façon importante.

S’il est difficile de se prononcer sur la rapidité avec laquelle la production pétrolière déclinera, l’AIE estime que la situation est préoccupante. Freinés par la baisse du prix du baril, les investissements actuels seraient insuffisants pour que la production croisse autant que la demande mondiale d’ici à 2020. Rien qu’aux Etats-Unis, il faudrait que la production de pétrole de schiste triple d’ici à 2025, ce qui paraît pour le moins irréaliste.

Surtout, continuer l’extraction de pétrole (et des autres combustibles fossiles) est largement incompatible avec les scénarios de transition qui visent à maintenir le réchauffement climatique à un niveau raisonnable. Par exemple, pour rester en deçà de 1,5 °C d’augmentation de la température globale, le pic des émissions en CO2 doit avoir lieu avant 2030 dans les quatre scénarios détaillés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat dans son dernier rapport. Pourtant, dans son scénario prenant en compte les nouvelles politiques publiques de l’énergie jusqu’en 2040, l’AIE prévoit une légère augmentation en continue des émissions de CO2 liées à l’énergie.