Paris, Bruxelles et Madrid avaient déoncé un « permis de polluer » accordé aux constructeurs. / Francisco Seco / AP

C’est une victoire retentissante pour la maire de Paris, Anne Hidalgo, et les villes de Bruxelles et Madrid qui l’avaient accompagnée dans sa croisade contre le « permis de polluer » accordé, selon elle, par la Commission européenne aux constructeurs automobiles. Dans un arrêt rendu jeudi 13 décembre, le tribunal de l’Union européenne « annule partiellement le règlement de la Commission fixant des limites d’émission d’oxydes d’azote trop élevées » pour les essais des véhicules particuliers et utilitaires légers neufs.

Les oxydes d’azotes (NOx) sont des gaz très toxiques rejetés principalement par les voitures diesel et rendus célèbres par le scandale du « dieselgate ».

A l’initiative d’Anne Hidalgo, Paris, Bruxelles et Madrid avaient déposé un recours pour contester le règlement no 2016/646 du 20 avril 2016 modifiant la norme Euro 6 sur les émissions de gaz polluants des voitures. Le scandale du « dieselgate » avait conduit le législateur européen à modifier cette norme, en vigueur depuis 2014.

La norme Euro 6 modifiée par la Commission

En octobre 2015, le patron de Volkswagen reconnaît avoir truqué les moteurs de 11 millions de véhicules diesel pour minorer les émissions de NOx lors des tests d’homologation. Pour éviter que la fraude ne se reproduise, la Commission décide de modifier cette norme Euro 6 en introduisant des tests en conditions de conduite réelle (ou RDE, pour real driving emissions, en anglais) en plus de ceux réalisés en laboratoire et mis à mal par le « dieselgate ».

Or, « afin de permettre aux constructeurs de s’adapter progressivement aux règles RDE », précise le règlement de 2016, une marge d’erreur appelée « facteur de conformité » est ajoutée. Censée réduire l’écart entre la limite réglementaire (80 mg/km) mesurée en laboratoire et les valeurs obtenues en RDE, c’est cette marge d’erreur qui constitue « un permis de polluer », selon les mots d’Anne Hidalgo.

Fixé à 2,1 pour les nouveaux véhicules jusqu’en septembre 2019, puis à 1,5 à partir de janvier 2021, ce facteur de conformité autorise donc dans les faits les constructeurs à produire des véhicules dont les niveaux d’émissions de NOx (168 mg/km, puis 120 mg) sont bien supérieurs (110 %, puis 50 %) à la limite de 80 mg/km retenue par le Parlement européen au titre de la norme Euro 6. En juin 2007, les eurodéputés avaient en effet décidé de durcir les critères d’homologation en abaissant le seuil de 180 mg/km (Euro 5) à 80 mg/km à l’horizon 2014.

« Ce ne sont plus 27 Etats qui peuvent contester une norme européenne, ce sont des millions de collectivités, villes, Länder. » L’avocat de la mairie de Paris

Le Tribunal conclut que la Commission n’était « pas compétente pour apporter, en appliquant des coefficients de correction, une modification à ces limites pour les essais RDE ». Il estime, en outre, que, « même si l’on devait admettre que des contraintes techniques peuvent justifier une certaine adaptation, avec un écart comme celui résultant du règlement attaqué, il est impossible de savoir si la norme Euro 6 est respectée lors de ces essais ».

Le tribunal donne douze mois à Bruxelles pour adopter une « nouvelle réglementation » dans un souci de « protection de la santé publique et de l’environnement ».

Pour Jérémie Assous, l’avocat de la Mairie de Paris qui a porté le recours, cet arrêt est une « révolution juridique » : « Désormais, ce ne sont plus 27 Etats qui peuvent contester une norme européenne, ce sont des millions de collectivités, de villes, de Länder, et cela change tout. »