Quatre mois après la disparition de Louis Fajfrowski, le rugby pleure à nouveau l’un des siens. Mercredi 12 décembre au soir, le club du Stade français a annoncé le décès de Nicolas Chauvin, 19 ans : le jeune homme est mort au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Trois jours plus tôt, il y avait été admis en réanimation après avoir un plaquage par deux adversaires lors d’un match contre l’équipe de Bordeaux-Bègles, dans la catégorie Espoirs (réservée aux moins de 23 ans).

Ce nouveau drame relance le débat sur la santé des joueurs et la violence dans le rugby. Une question de santé publique, selon le doyen honoraire de la faculté de médecine de Clermont-Ferrand et grand habitué du rugby français, Jean Chazal, qui estime que ce sport va notamment devoir « légiférer » sur les plaquages.

Comment expliquer ces deux drames en à peine quatre moins ?

On a déjà parlé des commotions cérébrales dans le rugby, de ces chocs violents qui ébranlent le cerveau. Mais il s’agit de l’arbre qui cache la forêt ! Le rugby, tel qu’il se pratique aujourd’hui, expose aussi d’autres viscères de notre organisme.

La violence de chocs au niveau de la cage thoracique peut entraîner des commotions cardiaques, par exemple, avec troubles de fibrillation ventriculaire. De façon sous-jacente, les chocs peuvent également toucher le foi, la rate ou les reins.

Nicolas Chauvin est mort après « un traumatisme cervical qui a occasionné un arrêt cardiaque et une anoxie cérébrale », selon son club.

Ce choc est le résultat d’une extrême violence. La colonne cervicale est une sorte de tuteur, soumis à des milliers de mouvements dans une journée. C’est un « tuteur » entre le poids que pèse notre tête et le corset rigide qu’est notre cage thoracique. Il est fait pour supporter des traumatismes, mais jusqu’à un certain point.

Ce jeune joueur a subi une « fracture C2 », une fracture de la deuxième vertèbre cervicale. « La fracture du pendu », selon l’expression, toujours effrayante à dire…

On voyait surtout ce traumatisme cervical, autrefois, dans la traumatologie des accidents de la route.

Une analogie avec les accidents de voitures vous paraît-elle possible ?

Pour protéger les motards et les automobilistes, pour réduire le nombre de morts sur la route, il y a eu toute une éducation, une réglementation, des protocoles : des casques pour les motos, des airbags pour les voitures, des limitations de vitesse.

Selon moi, au rugby, le problème reste à résoudre. Il faut d’abord éduquer les joueurs. Le rugby a longtemps demandé aux joueurs de chercher la porte ouverte, d’éviter les autres joueurs pour avancer.

Maintenant, l’augmentation des gabarits a fait qu’au lieu de chercher la porte ouverte, les joueurs se jettent dans le mur, ils cherchent à exploser la cloison !

En août, la mort de Louis Fajfrowski avait déjà suscité ces réflexions.

Il faut une prise de conscience pour mettre les réflexions sur la table. On a pris la mesure de la catastrophe, mais maintenant, on va devoir expliquer ce qu’il se passe.

On pourrait faire une sorte de « Grenelle » en présence des ministères du sport et de la santé. Sans langue de bois. Avec des spécialistes indépendants. Mais aussi des joueurs, des entraîneurs, des présidents, des parents, des journalistes…

Ce genre de réunion peut-être réellement avoir de l’effet ?

Il va aussi falloir légiférer. On peut se servir de l’exemple des mêlées. A une époque, les mêlées causaient beaucoup d’accidents rendant les joueurs tétraplégiques. Or, on les a réglementées, on a travaillé là-dessus.

Maintenant, la Fédération française et la Ligue nationale de rugby vont devoir travailler sur la violence des contacts, notamment des plaquages.

Bien sûr qu’il y a toujours eu des commotions, mais elles restaient moindres.

Ces questions vous paraissent-elles encore plus urgentes en France que dans les autres pays de rugby ?

Le problème dépasse la France. Mais je note qu’ici, on observe deux morts en quatre mois. Et même trois, si l’on ajoute le jeune joueur de Billon mort en mai (au lendemain d’un match amateur, là encore après un plaquage, à 17 ans).