Drapeau de la république non reconnue d’Ambazonie, domaine public.

Dans les rêves et les projets de certains activistes anglophones du Cameroun, il existe un pays, une entité politique encore imaginaire qui porte le nom de République fédérale d’Ambazonie. Son territoire correspond aux provinces camerounaises du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Ses partisans disposaient déjà d’un drapeau, arboré par les diverses factions de guérilla qui se battent pour sa souveraineté, ils viennent de se doter d’une cryptomonnaie : l’AmbaCoin.

Cet instrument d’échange qui leur fournit, au moins de manière symbolique, un nouvel attribut étatique est censé asseoir, à l’avenir, l’indépendance nationale qu’ils souhaitent voir advenir après des décennies de rapports conflictuels entre les régions anglophones et l’Etat central.

Comportant 20 % de la population du pays, les provinces où agissent les mouvements séparatistes avaient accepté de rejoindre la République du Cameroun à l’indépendance et non le Nigeria, anglophone et voisin, à condition de conserver leur système éducatif et judiciaire hérité de la colonisation britannique.

Lutte armée pour l’indépendance

Or cette autonomie a été progressivement effacée par les régimes qui se sont succédé à Yaoundé, au point de déclencher une lutte armée pour l’indépendance. Les violences ont connu récemment une nette escalade qui s’est traduite par la mort de plusieurs centaines de personnes, dont de nombreux civils ainsi que par des exactions dénoncées par les organisations de défense des droits de l’homme.

Avec l’AmbaCoin, les indépendantistes d’Ambazonie utilisent pour leur projet politique la technologie de la « blockchain », qui a notamment permis l’émergence du bitcoin et qui est utilisée par une multitude d’autres cryptomonnaies.

La blockchain est affranchie de l’autorité des états existants

Système de certification décentralisé et pouvant fonctionner indépendamment de toute institution souveraine, la blockchain est affranchie de l’autorité des états existants et elle permet de créer des monnaies concurrentes à celles qui sont reconnues internationalement : la formule idéale – quoique quelque peu paradoxale – pour des mouvements séparatistes soucieux d’obtenir les attributs des Etats qu’ils aspirent à devenir. Car c’est bien ce qui anime les concepteurs anonymes de l’AmbaCoin.

Dans leur « livre blanc », publié sur le site Internet de cette cryptomonnaie, ils énoncent les deux buts principaux de leur démarche :

  • financer la construction de la nation ambazonienne et notamment, dans un premier temps, les efforts de lobbying des indépendantistes auprès des organisations internationales ;
  • utiliser les fonds récoltés pour lancer des projets d’investissement pour la future nation indépendante qu’ils appellent de leurs vœux.

A terme, les créateurs de l’AmbaCoin souhaitent que la cryptomonnaie donne naissance à une monnaie fiduciaire.

Un taux d’1 AmbaCoin pour 25 centimes de dollar

L’objectif est bien, comme le note le journaliste camerounais Amindeh Blaise Atabong dans la publication en ligne Quartz, de montrer leur volonté de se dissocier du franc CFA, qui n’incarne pas seulement la sujétion des systèmes monétaires des pays d’Afrique francophone à Paris mais par dérivation, la domination francophone sur les régions anglophones du Cameroun.

De fait pourtant, le lancement de cette cryptomonnaie que l’on peut acquérir en prévente depuis le 10 novembre à un taux d’1 AmbaCoin pour 25 centimes de dollar américain semble essentiellement symbolique. Elle s’inscrit dans la lignée de la déclaration d’indépendance de la République fédérale d’Ambazonie du 1er octobre 2017 qui n’est reconnue par aucune capitale dans le monde.

Crise anglophone : pourquoi le Cameroun s’enflamme ?
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