Les cabarets parisiens concentrent 60 % de la clientèle. / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Loin des grands cabarets parisiens, l’Ange bleu, un cabaret de la campagne girondine, attire chaque année 100 000 spectateurs… sauf pendant le mouvement des « gilets jaunes ». Depuis le début du mouvement, le 17 novembre, quelque 2 000 personnes ont annulé leur venue et les réservations sont au point mort depuis trois semaines. Selon les premières estimations, les pertes s’élèvent au moins à 100 000 euros pour ce petit frère des Folies-Bergère et du Crazy Horse.

« Globalement, depuis les émeutes du 1er décembre, il y a une baisse des réservations de 20 à 30 % dans les cabarets. La perte est estimée entre 6 et 10 millions si les gens ne viennent pas pour la période Noël et jour de l’an. C’est un impact assez colossal », constate Daniel Stevens, du Camulc, le syndicat national des cabarets.

Sans les « gilets jaunes », les cabarets espéraient retrouver fin décembre le niveau de fréquentation de 2014, avant les attentats, lorsque le secteur connaissait une belle croissance en accueillant trois millions de personnes chaque année. Leur chiffre d’affaires s’élève à 250 millions d’euros, dont près de la moitié réalisée par quatre grands cabarets parisiens : le Moulin-Rouge, le Lido, le Crazy Horse et le Paradis latin, avec principalement une clientèle internationale.

Seniors et pèlerins

« Le cabaret attire de plus en plus de monde tous les ans. On était quatre ou cinq en région il y a vingt ans, on est plus de deux cents aujourd’hui », dont environ trente-cinq à Paris, constate Alexandre Duvollet, directeur du deuxième cabaret de province après le Royal Palace, près de Strasbourg.

Face à cette concurrence accrue, la famille Duvollet développe de nouvelles stratégies en s’adaptant à la clientèle senior, la plus importante, qui vient davantage aujourd’hui en individuel qu’avec les associations du troisième âge, en multipliant les soirées d’entreprises, les goûters pour enfants avant Noël…

Plus insolite, l’Ange bleu accueille aussi des pèlerins en route pour Lourdes, dans les Hautes-Pyrénées. Ils viennent déjeuner dans une salle pouvant accueillir plus d’un millier de personnes… sans l’option spectacle cette fois.

Le public, venu de Bretagne jusqu’à la frontière espagnole, est aussi attiré par le renouvellement des spectacles qui changent tous les deux ans, et le prix : à partir de 45 euros pour un repas fait maison avec animation suivi de l’entrée en scène des 13 danseurs et danseuses.

Les cabarets parisiens concentrent 60 % de la clientèle

Face à la puissance des cabarets parisiens, qui concentrent 60 % de la clientèle, Alexandre Duvollet n’est pas inquiet : « Nous ne sommes pas concurrents mais complémentaires. » Plusieurs danseuses sont ainsi parties à Paris et un partenariat vient d’être signé avec le Crazy Horse pour revenir en juin sur la scène de l’Ange bleu.

Mais cet ancien restaurant routier, qui a trouvé dans la vie nocturne un nouvel essor après la fermeture de l’accès à la route nationale, cherche aussi à capter les touristes étrangers, attirés par Bordeaux, avec son nouveau spectacle davantage tourné vers l’international.

Lire la critique (en édition abonnés) : Deux cabarets en quête d’insolite