Cesare Battisti, en mars 2015, à Sao Paulo. / NACHO DOCE / REUTERS

Après trente ans de traque, Rome pensait enfin tenir l’extradition de son « terroriste ». Las, vendredi 14 décembre, l’ex-activiste communiste Sergio Battisti, 63 ans, a repris sa cavale. Au petit jour, la police brésilienne n’a trouvé personne à son domicile de Cananeia, petit port bucolique de l’Etat de Sao Paulo, où l’Italien, devenu romancier, avait refait sa vie.

Un de ses amis, Magno de Carvalho, cité par le quotidien Folha de Sao Paulo, affirmait vendredi que Cesar Battisti pourrait être à Rio de Janeiro, où il devait parler à son éditeur. Pourtant, ce vendredi, la Chevrolet Prisma de l’Italien, était, comme à l’accoutumée, rangée dans son garage.

Si les forces de l’ordre refusent encore de considérer le prévenu comme « fugitif », il est difficile d’imaginer que le sexagénaire, condamné par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité en Italie pour quatre meurtres commis à la fin des années 1970, dont il se dit innocent, ait pu ignorer le mandat d’arrêt lancé contre lui.

La veille, le journal télévisé du soir diffusé par la chaîne Globo avait annoncé que Luiz Fux, juge de la Cour suprême, avait réclamé l’emprisonnement de l’ancien membre des Prolétaires armés pour le communisme (PAC), désormais fiché par Interpol. Le magistrat répondait ainsi à la demande de la procureure de la République, Raquel Dodge. Le placement en détention de Cesare Battisti visait à sécuriser l’extradition à venir de l’ancien activiste des « années de plomb » italiennes. Le retour en Italie de Cesare Battisti n’aurait alors nécessité qu’une signature, celle de l’actuel chef d’Etat, Michel Temer, ou du futur président, Jair Bolsonaro, qui prendra ses fonctions le 1er janvier. Une simple formalité. « Vous pouvez compter sur nous », avait déjà assuré vendredi, sur Twitter, le leader de l’extrême droite brésilienne au ministre de l’intérieur italien, Matteo Salvini, avant que Michel Temer ne prenne les devants. Une source présidentielle a affirmé, vendredi 14 décembre, que le président avait déjà signé la demande d’extradition de l’Italien. Pour mémoire, Michel Temer est, en dépit de plusieurs affaires judiciaires embarrassantes, pressenti pour devenir ambassadeur du Brésil à Rome.

« Cesare Battisti veut rester au Brésil »

La décision du juge Luiz Fux est une volte-face : en octobre de la même année, le même juge avait accordé en décision préliminaire un habeas corpus (le droit de ne pas être emprisonné sans jugement) à l’Italien. Mais lors des délibérés de jeudi, la Cour suprême aurait tourné casaque considérant que les crimes qu’auraient commis Cesare Battisti ne sont pas politiques. La loi brésilienne interdisant l’extradition d’un condamné pour raisons politiques ne s’appliquait plus.

Joint par téléphone, l’avocat de Cesare Battisti, Igor Tamasauskas, s’est dit « surpris » par cette décision, dont il a pris connaissance par les médias. L’avocat a, vendredi, fait appel et plaide la « sécurité juridique » : en 2010, au dernier jour de son mandat, le président de gauche, Luiz Iñacio Lula da Silva, avait refusé l’extradition de M. Battisti, permettant à l’ancien activiste de filer des jours presque tranquilles dans son nouveau pays d’adoption. « Cesare aime le Brésil. Il veut rester ici », affirme M. Tamasaukas, disant avoir perdu la trace de son client depuis une quinzaine de jours déjà.

Cesare Battisti, que les habitants de Cananeia surnommaient « Piradinho », « le petit fou », s’apprête-t-il à reprendre sa vie d’homme tourmenté ? Cette fuite quasi perpétuelle depuis ses 30 ans ? Arrêté en Italie en 1979, l’Italien est condamné dans un premier temps à douze ans de prison mais s’évade en 1981 de la prison de Frosinone, près de Rome. Commence alors cette longue cavale qui le conduira au Mexique, en France puis au Brésil, où il fut un temps emprisonné à Brasília, avant d’être relâché.

Des quatre homicides aggravés imputés aux PAC en 1978 et 1979, deux lui sont directement attribués. Il en a toujours nié la culpabilité mais en 2011, se confiant au Monde, il laissait poindre des regrets. « Il y a eu des fautes commises, c’est évident. Prétendre changer la société avec des armes, c’est une connerie. Mais enfin ! A l’époque, tout le monde avait des flingues ! Il y avait des guérilleros dans le monde entier. L’Italie vivait une situation prérévolutionnaire… », expliquait-il, tout en dénonçant l’acharnement des autorités italiennes, qui « veulent faire expier les rêves » des années 1970 aux militants de l’ultragauche.