Arte, samedi 15 décembre à 20 h 50, documentaire

Retrouver ce qui fait la beauté de l’architecture sacrée musulmane, loin des formules-chocs comme « clash des civilisations », et des débats sans fin sur l’islam politique, telle est l’ambition de ce premier volet de la collection ­Monuments sacrés.

Pour cet épisode, l’équipe du réalisateur allemand Bruno Ulmer est partie à la découverte de six des plus belles mosquées du monde : le dôme du Rocher, à Jérusalem, achevé en 691 ; la mosquée de ­Cordoue, commencée en 786, devenue cathédrale en 1523 ; la mosquée Ibn Touloun, construite au Caire, à la fin du IXe siècle ; la mosquée Souleimaniyé, érigée entre 1550 et 1557 à Istanbul ; la mosquée du cheikh Lotfallah, élevée au début du XVIIe siècle à Ispahan, et la Jama Masjid, bâtie au milieu du XVIIe siècle à New Delhi.

Une liste qui ne comprend donc pas de lieux saints de l’islam, autrement dit les mosquées auxquelles l’islam voue la plus grande importance, comme La Mecque ou Médine. Le parti pris ici est avant tout architectural et esthétique : le film met en lumière les prouesses techniques déployées pour ériger, décorer et embellir ces joyaux de l’art islamique. « Nous voulions tourner dans une mosquée africaine comme celle de Djenné, au Mali, mais la guerre a empêché ce projet, explique la productrice Christine Le Goff. Idem pour celle de Damas, gravement endommagée. »

Des marqueurs de pouvoir

Pour filmer ces six mosquées, les réalisateurs ont utilisé des drones aussi bien à l’intérieur qu’en extérieur. La qualité d’image est somptueuse. Entre ombre et lumière, la caméra restitue la beauté du mihrab de la mosquée de Cordoue. Au centre de la mosquée d’Ispahan, elle suit un mouvement ascendant vers la sublime coupole. Survolant le dôme du Rocher, elle permet de comprendre l’importance de la géométrie : la vue en plongée montre la forme octogonale de la mosquée au-dessus de laquelle s’élève le dôme doré.

Le film va au-delà de la splendeur des monuments, pour en montrer la fonction. Ces six grandes mosquées ont en commun d’avoir toutes été des marqueurs de pouvoir. Le calife omeyyade Abd Al-Malik fit ainsi ériger le dôme du Rocher sur la colline où Abraham aurait sacrifié son fils, en surplomb du mur des Lamentations et du Saint-Sépulcre. Pour frapper les esprits, l’immense édifice fut ouvert aux hommes et aux femmes de toutes les croyances.

Ce n’est pas un catalogue de monuments figés que ce documentaire propose, mais une ­fresque restituant les grands mouvements historiques

A chaque étape de ce voyage de l’Andalousie aux confins de l’Asie, des historiens, des historiens de l’art et des architectes donnent des éclairages sur les emprunts et les ruptures d’une dynastie musulmane à l’autre : au Caire, sous l’impulsion du gouverneur Ahmad Ibn Touloun, les Abbassides ­construisent une mosquée tout en sobriété, rompant avec la flamboyance des Omeyyades.

Ainsi, ce n’est pas un catalogue de monuments figés que ce documentaire propose, mais une ­fresque restituant les grands mouvements historiques, dont témoignent ces mosquées. Reflets de la foi des hommes et des femmes, ­elles sont aussi le produit des migrations, des conquêtes, des révolutions philosophiques et artistiques, ainsi que de l’évolution du dogme.

Soucieux de situer la mosquée dans son contexte urbain, ce film porte également une attention particulière aux travaux de restauration de la mosaïque, à la pérennisation des traditions comme la calligraphie et à la spécificité des matériaux de construction. Les explications des artisans, des restaurateurs et des autorités religieuses s’avèrent ici essentielles pour pénétrer les mentalités et les croyances. Un beau voyage dans le temps et dans l’espace.

Monuments sacrés. Mosquées : art et espace, documentaire de Bruno Ulmer (France, 2018, 1 h 29 min). www.arte.tv