Le premier ministre canadien Justin Trudeau le 29 novembre. / Sean Kilpatrick / AP

La société canadienne qui a signé un important contrat de vente de blindés légers avec l’Arabie saoudite a prévenu lundi 17 décembre le gouvernement de Justin Trudeau qu’il s’exposait à lui verser des « milliards de dollars » de pénalités en cas de rupture unilatérale de ce contrat.

Le premier ministre canadien avait annoncé dimanche qu’il cherchait les moyens de ne pas honorer ce contrat controversé, sous la pression de l’opposition après le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi et l’implication de Riyad dans la guerre au Yémen. « Si le Canada résiliait unilatéralement le contrat, il s’exposerait à devoir payer des pénalités de plusieurs milliards de dollars à General Dynamics Land Systems Canada », a menacé cette société basée dans l’Ontario, dans un communiqué cité par les médias canadiens.

« Résilier le contrat aurait un impact négatif significatif sur nos employés hautement qualifiés, sur notre chaîne d’approvisionnement au Canada et plus généralement sur le secteur canadien de la défense », a ajouté la filiale canadienne de l’Américain General Dynamics.

Changement de ton

M. Trudeau avait jusqu’à présent hésité à annuler ce contrat de 15 milliards de dollars (9,9 milliards d’euros), signé par le précédent gouvernement conservateur, précisément en invoquant les « pénalités exorbitantes » qu’il risquait de devoir payer.

Mais lors d’une interview à la chaîne CTV diffusée dimanche, le dirigeant libéral a nettement changé de ton. « Nous étudions les permis d’exportation pour voir s’il est possible de ne plus exporter ces véhicules vers l’Arabie Saoudite », a-t-il déclaré, sans autre explication.

Cette commande, conclue en 2014, constitue la plus importante vente d’armes canadiennes de l’histoire. Ottawa avait exprimé dès 2017 des inquiétudes quant à l’éventuelle utilisation de ces blindés légers dans des opérations de répression dans l’est de l’Arabie saoudite et au Yémen.

L’Allemagne pionnière

La chancelière allemande Angela Merkel a indiqué en octobre que son pays n’autoriserait pas en l’état d’exportations d’armes vers l’Arabie saoudite, compte tenu de l’incertitude autour des circonstances de l’assassinat de Jamal Khashoggi.

Lors d’une interview lundi à Radio-Canada, M. Trudeau a jugé « très invraisemblable » que le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, ne soit pas impliqué dans le meurtre du journaliste comme l’affirme Ryad.

Les relations entre le Canada et le royaume saoudien ont connu une crise ces derniers mois. Riyad avait annoncé en août l’expulsion de l’ambassadeur du Canada, rappelé le sien et gelé tout nouveau commerce ou investissement avec le Canada, après la dénonciation par Ottawa de l’arrestation de militants saoudiens des droits humains.