De plus en plus de start-up proposent des produits destinés aux apiculteurs. / Andy Duback / AP

Elles s’appellent Beelife, BeeZbee, Label Abeille, Beegleam, CitizenBees, MiteNot, Connecthive, Hostabee, Bee2Beep ou SamartHive et ont commun de promouvoir une apiculture high-tech. « Chaque jour voit apparaître de nouvelles start-up avec des projets de ruche connectée. Cela n’arrête pas » observe Maxime Mularz, fondateur d’Hostabee, qui a installé des capteurs dans un millier de ruches et prévoit d’en implanter 50 000 dans les trois prochaines années. Cette société installée à Saint-Quentin (Aisne), pionnière dans ce domaine, vient de conclure un partenariat avec Veto-Pharma, laboratoire français spécialisé dans les produits de prévention des maladies de l’abeille, qui diffusera à l’étranger son module. Sa fonction : suivre à distance l’évolution de la température et de l’hygrométrie (humidité) de la colonie.

Timber, entreprise spécialisée dans le pesage industriel, va pour sa part commercialiser en janvier 2019 Bee2Beep. Labellisée « origine France », cette balance connectée via une liaison basse fréquence mesure le poids de la ruche. Au printemps comme en été, il est donc possible de savoir qu’il est temps de récolter et, en hiver, de remédier à une dangereuse baisse des réserves de miel. « Nous avons en projet d’intégrer d’autres données comme la carte IGN des cultures et des points d’eau dans un rayon de 3 km » précise Frédéric Timbert, qui dirige l’entreprise.

Un modèle économique balbutiant

Parmi les autres projets qui font le buzz figurent le recours à l’intelligence artificielle pour assurer automatiquement le comptage des varroas, un acarien qui impose chaque année un traitement chimique coûteux, ou l’introduction d’un mécanisme capable de chauffer certains cadres de cire afin d’éliminer ce même parasite sans nuire aux abeilles ni faire fondre la cire. Des caméras et des capteurs pourraient aussi prévenir de la présence de frelons asiatiques – au vol très caractéristique – ou mesurer l’activité de l’essaim en fonction des entrées et sorties d’abeilles ou de l’intensité de son bourdonnement.

« Rien n’empêche d’imaginer détruire au laser les frelons asiatiques à l’intérieur de la ruche ou plein d’autres choses mais tant que le miel sera payé 3,50 euros le kilo aux producteurs, la barrière du prix restera dissuasive », tempère cependant Maxime Mularz. Selon lui, l’apiculture 2.0 semble surtout promise aux pays où on la pratique à l’échelle industrielle, comme aux Etats-Unis, où les producteurs louent leurs ruches pour assurer la pollinisation des amandiers et où les coûts peuvent s’amortir sur des dizaines voire des centaines de milliers de colonies.

En France et en Europe se profile derrière l’apiculture high-tech un nouveau modèle économique, encore balbutiant, plus urbain que véritablement rural car abondé par des acteurs inédits. Plutôt que de vendre sa balance connectée, Timber préfére proposer une location (20 euros par mois). « Une balance connectée permet à l’apiculteur une économie de temps et de déplacements mais pour ce genre de produit, estime-t-il, la cible principale sont les entreprises qui installent des ruches et qui souhaitent valoriser, et mettre en scène, leur investissement. » Les grandes sociétés qui doivent mener des actions dans le cadre des obligations imposées par la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et qui, en général, confient à des apiculteurs professionnels l’entretien au quotidien, sont visées. A leur intention, Timber va proposer de compléter son installation avec une caméra vidéo « afin de retransmettre sur un écran installé dans le hall d’accueil le va-et-vient des butineuses ».

Un GPS contre les vols de ruches

A rebours d’une culture qui privilégie le savoir-faire empirique individuel, voire les pratiques ancestrales, les start-up de l’apiculture œuvrent à la mise en place d’aides à la décision. Mutualiser les relevés réalisés dans des ruches témoins permet de définir des modèles prédictifs susceptibles de créer des alertes pour prévenir l’apiculteur en cas de bonnes nouvelles (une généreuse miellée d’acacia) ou de signes moins positifs, comme un excès d’humidité en fin d’hiver ou une disette provoquée par la canicule.

Une demande spécifique pourrait cependant ouvrir une première brèche pour l’apiculture high-tech : la lutte contre les vols d’essaims, dont les prix ont explosé avec la hausse de la mortalité. « Dans la catégorie des objets connectés, notre meilleure vente concerne – et de loin – les cadres équipés d’une discrète balise GPS qui permettent de retrouver les voleurs de ruches », assure Robin Seillé, responsable commercial d’Icko Apiculture, numéro un européen de la vente de produits pour la ruche.