Arte, mardi 18 décembre à 20 h 50, documentaire

A mesure qu’il étend son pouvoir sur la Chine et, partant, sur le monde, Xi Jinping fascine et inquiète. Qui est vraiment ce sexagénaire à l’allure bonhomme, assez puissant pour défier l’Occident en lançant les « nouvelles routes de la soie », bâtir en quatre ans une marine ­ comparable à celle de la France et mettre en place un système de surveillance de la population à nul autre pareil ?

Comment cette victime du maoïsme dont la demande d’adhésion au Parti ­communiste chinois (PCC) a été rejetée à neuf reprises a-t-il pu devenir l’héritier de Mao Zedong ? Où veut-il entraîner son pays maintenant qu’il a les pleins pouvoirs ? Pour répondre à ces questions qui nous concernent tous, Sophie Lepault et Romain Franklin ont fait appel à la fois à des images d’archives souvent saisissantes et aux meilleurs experts de la Chine.

Côté archives, on retiendra bien sûr essentiellement celles portant sur la Révolution culturelle. Cette période pendant laquelle le jeune Jinping, âgé d’à peine 10 ans, voit son père, auparavant proche de Mao, jeté en pâture aux gardes rouges, et est lui-même contraint d’apprendre par cœur les discours du Grand Timonier.

Ou encore les images de Xi s’adressant aux forces armées. A le voir passer en revue les troupes, dans une automobile spécialement aménagée et équipée de micros pour qu’il puisse, debout, donner ses ordres à des milliers de soldats au garde-à-vous, on ne peut s’empêcher durant quelques secondes de se demander si c’est bien Xi Jinping, là, en gros plan, ou Kim, le leader nord-coréen.

Une dizaine de spécialistes

Mais non, c’est bien Xi Jinping, le président chinois, également secrétaire général du PCC, mais aussi, comme le rappellent chaque jour les médias officiels, le chef des armées, qui enjoint à ses hommes d’« être prêts à mourir pour la patrie » avec une telle froideur qu’il semble d’ores et déjà savoir dans quelles circonstances, demain, il mettra leur vie en jeu.

Pour décrypter ces images, ­Sophie Lepault et Romain Franklin ont fait appel à une dizaine de spécialistes français, anglo-saxons ou chinois. Des pro et des anti-Xi. Certains sont incontournables bien que contestés, comme l’ancien premier ministre français Jean-Pierre Raffarin – très proche de ce pays –, d’autres sont plus rares, notamment les experts chinois auxquels les télévisions européennes ont rarement accès.

Qu’ils le déplorent ou s’en félicitent, tous insistent sur sa détermination. Soit par conviction, soit par intérêt. Ayant été menacé de mort par les gardes rouges une centaine de fois, selon ses propres déclarations, et ayant, depuis qu’il est au pouvoir, mis 1,5 million de cadres du Parti à l’écart au nom de la lutte contre la corruption, Xi Jinping sait mieux que quiconque que la politique en Chine n’est pas un dîner de gala et qu’au moindre faux pas, ses ennemis ou ses victimes chercheront à prendre leur revanche.

Xi Jinping a mis 1,5 million de cadres du Parti à l’écart au nom de la lutte contre la corruption

Mais, et cela le film le montre aussi, bien que brièvement, Xi Jinping est également populaire. Si les Occidentaux se moquent volontiers du culte qu’il construit autour de sa personne, les Chinois aiment cet homme fort qui remet leur pays au centre du jeu mondial.

Les réalisateurs se sont abstenus de traiter des relations de Xi avec Donald Trump, une affaire encore en cours. La répression impitoyable dont les Ouïgours musulmans font l’objet dans le Xinjiang est brièvement évoquée. Mais, par la variété des sujets qu’il aborde et la diversité des intervenants, Le Monde selon Xi Jinping offre un des portraits les plus fouillés du président chinois. Mais pas l’un des plus rassurants.

Le monde selon Xi Jinping | THEMA | ARTE
Durée : 01:14:50

« Le Monde selon Xi Jinping », de Sophie Lepault et Romain Franklin (France, 2018, 75 minutes). Arte.tv